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"Pour combler le déficit, le gouvernement va encore se détourner de l’écologie"

Lien publiée le 31 mars 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://reporterre.net/Pour-combler-le-deficit-le-gouvernement-va-encore-se-detourner-de-l-ecologie-Face-au

Face à l’augmentation du déficit public, qui s’est élevé à 5,5% en 2023, le gouvernement a annoncé vouloir encore baisser les dépenses. Pour l’économiste Anne-Laure Delatte, c’est forcément une mauvaise nouvelle pour l’écologie.

Le déficit public pour 2023 s’est élevé à 5,5 % du produit intérieur brut (PIB), soit 154 milliards d’euros, ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="3" mrfobservableid="a0a2ba20-ed48-435e-9732-86a92949c42c" target="_blank" target="_blank">selon les données publiées mardi 26 mars par l’Insee. Un chiffre bien supérieur aux 4,9 % inscrits dans la ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="4" mrfobservableid="132580b2-29cf-463b-ad8e-a69c091489da" target="_blank" target="_blank">loi de finances pour 2024, adoptée en fin d’année.

Mi-février, le ralentissement de la croissance avait déjà poussé Bercy à annoncer un ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="5" mrfobservableid="67380398-5fdf-4b30-b329-d3bdc35bf762" target="_blank">train d’économies budgétaires de 10 milliards d’euros, avec effet immédiat. Bruno Le Maire a confirmé mardi 26 mars que le gouvernement devrait aller au-delà. Au détriment de l’écologie ? « Assurément » répond Anne-Laure Delatte, économiste et chercheuse au CNRS rattachée à l’université Paris Dauphine. Elle est spécialiste des questions financières et européennes, a publié ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="6" mrfobservableid="6e944521-bb62-4ef3-8444-298d83eb2f42" target="_blank" target="_blank">L’État droit dans le mur en 2023 et est débatteuse dans « On n’arrête pas l’éco » sur France Inter le samedi matin.


Reporterre — ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="3" mrfobservableid="9cd28c19-3893-4ecb-b2c7-941b08733502" target="_blank" target="_blank">Selon l’Insee, le déficit public a largement progressé et le gouvernement a annoncé vouloir encore baisser les dépenses publiques. Cette politique risque-t-elle de limiter l’investissement nécessaire dans la transition écologique ?

Anne-Laure Delatte — Oui, assurément. Pour combler le déficit, le gouvernement va encore se détourner de l’écologie. Il l’avait déjà montré en février : pour anticiper ce dérapage budgétaire, il avait annoncé 10 milliards d’euros de coupes budgétaires, dont ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="5" mrfobservableid="e976bd08-abf2-4f59-b259-bff188f3dadc" target="_blank">2,5 milliards qui représentaient des dépenses en faveur de l’écologie.

Il aurait pu faire autrement : en arrêtant la baisse des recettes fiscales sur les entreprises. Mais la stratégie de l’exécutif est toute autre. Elle consiste à tout faire pour favoriser le marché, dans l’espoir de soutenir la croissance et qu’elle ruisselle. C’est pour cela qu’il s’entête à baisser les impôts aux entreprises et préfère couper dans les dépenses publiques. Sauf que ça ne marche pas et qu’en plus, cette politique a des conséquences désastreuses sur les services publics. Il faut voir l’état alarmant ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="7" mrfobservableid="4bceba0b-d57d-4e30-911b-87843cbfef5f" target="_blank">des écoles en Seine-Saint-Denis et de notre système de ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="8" mrfobservableid="b568940d-b369-4410-a44f-8d9fbc864bf2" target="_blank" target="_blank">protection sociale, qui permet de protéger les plus vulnérables.

« L’écologie n’est pas une priorité, parce que la logique de marché lui est complètement contradictoire »

Or, pour le dire simplement, la crise climatique creuse les inégalités. Les riches s’en sortent mieux que les pauvres. Et donc, tout ce qui relève de la protection sociale, c’est-à-dire des dépenses collectives, permet d’atténuer ces inégalités en mettant au pot commun pour que les pauvres ne paient pas le prix fort des conséquences du ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="9" mrfobservableid="968ffbf5-ac7a-4786-821e-5cedb07e2629" target="_blank">changement climatique. Couper dans ces dépenses alors que le choc est déjà là, c’est abandonner toute une partie de la population qui n’a pas les moyens de faire face.

L’écologie est souvent la première victime de ces coups de rabots budgétaires. Pourquoi ?

Tout ce qui échappe au marché cohabite mal avec l’idéologie néolibérale. Prenons l’éducation : elle ne relève pas du marché, alors c’est une grosse victime des coupes budgétaires. L’écologie n’est pas une priorité, parce que la logique de marché lui est complètement contradictoire. C’est l’exploitation des ressources planétaires qui permet de produire et d’accumuler du capital. Il n’y a aucun doute là-dessus.

Nos points de PIB ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="10" mrfobservableid="708afa7a-dc05-4975-906c-cae057236142" target="_blank">sont parfaitement corrélés aux émissions de carbone. Tant que l’objectif politique prioritaire reste la croissance, il n’y aura pas de mesure crédible de réduction des émissions de carbone. L’arbitrage se fera toujours en faveur de l’emploi ou de la poursuite d’une activité.

« Renverser ce rapport de force »

En parallèle, le gouvernement dépense ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="11" mrfobservableid="b40236c3-7414-438c-9016-43ea4d7517f3" target="_blank" target="_blank">« un pognon de dingue » pour aider sans contrepartie des entreprises polluantes, ou maintenir des mécanismes fiscaux climaticides. N’est-ce pas là qu’il faudrait faire des économies ?

Si. Il y a, en effet, une énorme contradiction. Il y a, d’un côté, le budget vert pour la transition, qui a été amputé de 2,5 milliards d’euros. Et, de l’autre, toujours des aides publiques dirigées vers des entreprises polluantes, comme les fleurons de l’automobile ou encore Air France. Encore une fois, pour soutenir la croissance, on préfère soutenir des entreprises, même si la nature de leur business engendre de fortes émissions de carbone.

Le problème, c’est que ça coûte très cher et qu’on n’est pas complètement sûr des résultats. Les deux plus grosses dépenses en faveur des entreprises, le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi [CICE] et le Crédit d’impôt recherche [CIR], coûtent près de 27 milliards d’euros par an, sans qu’on ne sache très bien ce que ça rapporte en termes de croissance, mais avec un coût certain par le soutien à des activités carbonées.

Les entreprises polluantes comme TotalÉnergies continuent à recevoir des aides malgré leur contribution importante au changement climatique. Wikimedia Commons / Philweb

Face à la crise écologique, quelle politique économique faudrait-il alors mener ? Quelles sont les priorités d’une politique économique qui prendrait à bras-le-corps ces enjeux ?

La première nette avancée possible serait une réforme fiscale. Nous devons récupérer des recettes pour que les services publics cessent de se détériorer et que la protection sociale reste à niveau. C’est indispensable pour faire face à la crise climatique. Il faut donc cesser la dynamique de baisse des impôts et aller chercher ceux sur le patrimoine des plus riches et ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="12" mrfobservableid="469ef599-27d3-4aae-9b06-12b6f38a870d" target="_blank">les superprofits des multinationales, par exemple. Il y a plein de possibilités.

« Pour ce gouvernement, la logique de marché écrase tout »

Un deuxième progrès, ce serait d’introduire des conditionnalités à toute aide accordée aux entreprises. Financer TotalÉnergies, qui continue à baser son modèle économique sur les énergies fossiles, ce n’est plus possible. C’est le b.a.-ba et, en même temps, ce n’est pas simple, parce que TotalÉnergies est un acteur économique important avec une grande influence, mais il faut s’y atteler, renverser ce rapport de force.

Êtes-vous optimiste ? Pensez-vous qu’une telle politique puisse être menée actuellement ?

Avec ce gouvernement, non. Pour lui, la logique de marché écrase tout. Et il faut faire très attention à ses effets d’annonce. Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, ; cmp-ltrk="A lire aussi" cmp-ltrk-idx="13" mrfobservableid="d5220b79-0c11-4cf2-99dd-4e6d5c67a142" target="_blank" target="_blank">s’est déclaré, mardi 26 mars, favorable au fait de « récupérer » les superprofits. J’attends de voir. La bonne nouvelle, c’est que les citoyennes et les citoyens sont de plus en plus conscients des enjeux climatiques et de ses liens avec le néolibéralisme. La résistance à ce modèle prend de l’ampleur.