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5 déchus de la nationalité convoqués pour rendre leurs papiers d’identité
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
INFO 20 MINUTES Frappés de déchéance de nationalité cinq ans après avoir purgé leur peine de prison pour des faits de terrorisme, les cinq hommes craignent désormais d’être expulsés…
Devant son café qui refroidit, Fouad triture nerveusement son passeport. Comme un symbole. Las, ce quadragénaire sait bien qu’il va pourtant devoir le rendre aux autorités. Avec quatre autres binationaux, ce Franco-marocain est convoqué, ce mercredi dans une préfecture d’Ile-de-France, pour remettre officiellement les preuves de leur nationalité française dont ils ont été déchus.
La nouvelle leur est parvenue le 7 octobre 2015. Bien avant que le Bataclan ne se transforme en théâtre des horreurs. Bien avant surtout que les élus de tous bords ne s’écharpent sur l’intérêt d’étendre cette déchéance de nationalité « à tous ».
Aujourd’hui controversée, la mesure concerne en réalité les binationaux depuis que le Code civil et son article 25 existent. Fouad, Attila, Redouane, Bachir et Rachid font donc partie des treize personnes à qui elle a été appliquée depuis 1973.
Ils connaissaient certains des kamikazes de Casablanca
« Pour moi, ce sont les premières victimes de la fuite en avant sécuritaire du gouvernement, attaque William Bourdon, leur avocat. On a voulu faire d'eux des exemples. »
L’avocat William Bourdon, le 20 janvier 2012 à Paris - Jacques Demarthon AFP
Leurs ennuis remontent en fait au 16 mai 2003. Ce jour-là, une dizaine de terroristes se font exploser à Casablanca (Maroc), faisant 43 morts, dont trois Français. Dans la foulée, Fouad et ses comparses sont arrêtés en France. Les enquêteurs leur reprochent d’avoir été en lien avec le groupe à l'origine de l'attentat. Ils sont condamnés pour « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ».
« On a toujours clamé notre innocence, souffle Fouad. Mais on n’avait pas les moyens financiers de faire appel du jugement. Alors, on a choisi de purger notre peine. En sortant de prison en 2010, on croyait pouvoir tirer un trait sur tout ça. »
Sortis de prison en 2010, dangereux à partir de 2015…
Bernard Cazeneuve en a décidé autrement. Dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le 7 octobre dernier, il annonce que les cinq « terroristes » sont déchus de leur nationalité en raison de leur sympathie pour « la mouvance islamiste radicale ». Selon Le Monde, les services de l’Etat s’appuient notamment pour justifier leur décision sur les liens qu’aurait entretenus Fouad avec Chérif Kouachi, l’un des auteurs de l’attaque de Charlie Hebdo, alors que les deux hommes étaient en détention.
« Est-ce de ma faute si j’étais dans la même prison que Kouachi, questionne Fouad. Il y avait aussi Carlos et Antonio Ferrara avec moi… Pourquoi ne pas me le reprocher aussi ? » Surtout, les cinq hommes s’interrogent sur leur « dangerosité » pointée du doigt par le ministère de l’Intérieur. « Nous sommes libres depuis 2010. Mais ce n’est qu’en 2015 que l’Etat a décidé qu’on devenait dangereux pour la société », tacle Redouane, 38 ans.
Expulsés vers le Maroc, ils pourraient être « torturés » selon leur avocat
Nés en France ou arrivés dans l’Hexagone à l’âge de trois ans, les cinq « déchus » craignent désormais d’être expulsés à tout moment vers le Maroc. « Il y a un vrai risque qu’ils soient rejugés pour les mêmes faits, voire torturés », assure William Bourdon.
A cette évocation, l’inquiétude se mue rapidement en cacophonie autour de la table en verre fumé. « Mes enfants sont Français, ma femme est Française. Et je dois les laisser ici ? » s’étrangle Bachir, 42 ans. « Moi, je ne parle même pas l’arabe marocain », poursuit Fouad. « Je dois faire une croix sur l’entreprise que j’ai montée et qui emploie six personnes ? En cette période de chômage ? », lance, de son côté, Redouane.
Sans autre choix, les cinq hommes rendront donc leurs papiers d’identité, ce mercredi, en espérant ne pas être expulsés avant que le Conseil d’Etat n’examine leur recours, sans doute avant l’été. « La mère patrie abandonne ses petits, conclut Redouane. Mais nous ne sommes pas prêts à abandonner notre combat. »