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5è jour de grève générale à Mayotte
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Un double mouvement en cours à faire converger
Ce qui se passe à Mayotte au 5ème jour de grève générale pour "l'égalité réelle" entre les salaires, pensions, allocations... de l'ile et ceux de la France métropolitaine, est emblématique de la tendance générale qu'on voit se dessiner partout même si elle apparaît moins clairement que dans l'île.
En effet, cette grève générale à Mayotte a commencé les 30 et 31 mars, sous les auspices de 2 journées de grève générale tout à la fois contre la loi travail et pour "l'égalité réelle". La grève est reconduite les 6 et 7 avril.
Mais cette grève avait commencé en réalité bien plus tôt, en octobre-novembre 2015, en même temps d'ailleurs qu'on assistait à une montée sociale qui s'amorçait aussi en France métropolitaine après l'affaire des chemises à Air France. Cette montée sociale avait été suspendue du fait de l'état d'urgence à Mayotte comme en métropole et ne fait donc que reprendre maintenant. C'est tout à la fois un démarrage mais aussi une continuation. Tout comme d'ailleurs, on avait assisté à la même montée à l'hiver 2014, cassée déjà en janvier 2015 par les attentats Charlie, montée qui s'était alors émiettée en une foule de grèves dispersées, tout comme la brisure de novembre avait fait de même.
On assiste donc à la même dynamique générale à Mayotte, à La Réunion (ou on semble aller aussi vers une grève généralisée) ou en métropole - avec bien sûr des degrés de mobilisation divers -.
On a un redémarrage autour de la loi travail d'un mouvement de fond commencé bien avant, ce qui se voit par exemple au fait que lorsqu'il y a eu reconduction des grèves au lendemain du 31 mars, ici ou là, comme dans les transports à Besançon, la Cooperl à Lamballe, à la BNP à la Réunion, etc... ou à Mayotte, cela se fait alors sur des revendications de salaires, emploi, conditions de travail ou "d'égalité réelle", qui sont le fond du mouvement de luttes qui montait auparavant. La loi travail leur a donné un drapeau commun, l'appel des organisations jeunes au 9 mars une occasion, mais la reconduction, quand elle a lieu, se fait pour le moment contre les régressions immédiates, salaires, emploi et conditions de travail et pas contre les régressions futures de la loi travail : bref elle se fait pour une "égalité réelle" tout de suite, pas contre une plus grande inégalité demain. Ce n'est bien sûr pas contradictoire ; on le voit aux reconductions où on passe d'une revendication à l'autre ou au fait que bien des grévistes de grèves locales sur des questions économiques participent sans problème aux journées de grève générale contre la loi travail. Ce n'est pas du tout contradictoire, mais cela veut dire que les salariés n'entreront en grève générale qu'en "positif", en offensif pas en défensif, pas pour empêcher une régression demain (la loi travail) mais pour obtenir un changement maintenant, immédiat, parce qu'ils n'en peuvent plus, parce qu'ils "crèvent" déjà aujourd'hui.
En ce sens, les jeunes étudiants et lycéens qui se battent contre la loi travail de demain (et le changement de société) sont tout à la fois leur espoir et leur drapeau mais en même temps doivent être capables pour passer d'espoir à direction , de mener une politique en direction des salariés - tels qu'ils sont - pour éviter la coupure et pouvoir les entraîner dans un mouvement général. Les jeunes sont l'espoir des salariés parce que ces derniers savent bien qu'ils ne peuvent pas compter sur la détermination des grandes confédérations syndicales pour aller jusqu'à la grève générale et faire reculer le gouvernement et que sans les jeunes celles-ci ne feraient rien. Les jeunes et la lutte pour le retrait de la loi travail sont aussi le drapeau des salariés car c'est cela qui peut permettre d'unifier les multiples luttes économiques aujourd'hui en un mouvement général commun demain.
Autrement dit, il peut y avoir reconduction des grèves grâce au mouvement contre la loi travail mais, en même temps, il n'y aura pas de reconduction de la grève par les salariés au niveau de la revendication contre la loi travail. Il n'y aura pas de grève générale des salariés au niveau du retrait de la loi travail, tant que ce mouvement général contre la loi travail n'aura pas réussi à agréger autour de lui les mouvements existants, salariaux, sur l'emploi, les conditions de travail ou divers. Et il le peut, si ce mouvement s'adresse fortement aux salariés sur ce terrain, s'il dit que c'est parce que les étudiants et lycéens ne veulent pas être exploités demain, qu'ils soutiennent tous les salariés qui se battent pour ne pas être exploités aujourd'hui et qu'il les appelle à le rejoindre. Les intermittents s'ils entrent en lutte de manière générale pouvant peut-être contribuer à être des intermédiaires, puisqu'ils se battent contre leur régime de chômage aujourd'hui en contre la loi travail demain.
Bref le mouvement des étudiants et lycéens en maintenant son drapeau de retrait de la loi travail, ne pourra espérer une reconduction des grèves qu'au prorata de ses appels aux salariés en lutte aujourd'hui à se joindre à lui sur leurs revendications propres tout simplement parce qu'il n'y a pas d'opposition entre leur drapeau général et les luttes émiettées, que leur combat est commun, que leurs revendications sont communes même si elles sont formulées différemment, les unes pou pour aujourd'hui, les autres pour demain.
C'est lorsque les luttes contre les régressions immédiates encouragées à cela s'agrégeront à la lutte contre la régression future de la loi travail qu'on aura alors une dynamique pour un rapport de force tel qu'il pourra faire reculer le pouvoir.
Toute l'activité actuelle doit donc être orientée à faire converger le double mouvement présent, celui des luttes contre les régressions immédiates et celui contre les régressions futures, les journées générales contre la loi travail et les multiples luttes économiques dispersées. Le retrait contre la loi travail doit être le drapeau commun du mouvement général, mais la construction de ce mouvement général doit être ouvert aussi aux revendications immédiates, salariales et pour l'emploi ou, comme à Mayotte pour "l'égalité réelle". Car le mouvement contre la loi travail est aussi un mouvement pour "l'égalité réelle" immédiate dans tous les sens du terme.
Jacques Chastaing
Deux liens sur le mouvement à Mayotte:
http://www.force-ouvriere.fr/mayotte-la-greve-generale-pour-l-egalite-reelle-est-relancee
http://www.linfokwezi.fr/wp-content/uploads/2016/04/PREAVIS-DE-GREVE-DU-05-avril-2016.pdf