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A Nantes, petite guerre entre flics
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Libération) La police des polices a lancé un appel à témoin pour identifier le policier qui aurait blessé au visage un manifestant le 24 mars. Furieux, les policiers locaux répliquent.
Des policiers épuisés, des manifs à répétition, des insultes et des heurts au quotidien… Le tout sur fond de grosses bavures dûment médiatisées. C’est dans ce climat particulièrement tendu que l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) de Rennes a lancé, fin mars, dans les rues nantaises, un appel à témoin qui reste en travers de la gorge des policiers. Le 24 mars, un homme de 32 ans est blessé au visage à Nantes lors d’accrochages avec les forces de l’ordre, en marge d’un rassemblement contre la loi travail. La scène est filmée par des riverains. Une enquête est lancée par l’IGPN… qui dispose dans la foulée, sur un bâtiment et dans plusieurs boîtes aux lettres, des affichettes d’«appel à témoin».
Réseaux sociaux
Sur ces tracts, on peut lire : «Le 24 mars 2016 à Nantes avait lieu une manifestation contre le projet de loi du travail. Aux alentours de 14 heures, rue Amiral-Courbet, un manifestant aurait été victime de violences de la part de policiers. Si vous avez été témoin de cette action policière, merci de prendre attache avec la délégation de l’IGPN à Rennes.» Une initiative rare, voire «inédite», disent les syndicats, qui dénoncent dans la démarche et la formulation un «appel à la délation»de la police des polices. Pour ajouter du piquant à l’affaire, les affiches ont été mises en place à un jet de pavé du commissariat de Nantes, là où les violences se seraient déroulées. Suivait un numéro de téléphone. Que Stéphane Léonard, secrétaire départemental du syndicat Unité SGP Police FO raconte avoir immédiatement composé, d’abord incrédule. «Franchement, je voulais savoir si c’était un canular.» Sauf que non. «C’était bien l’IGPN de Rennes au bout du fil.» S’en est suivi un échange suffisamment bouillant pour remonter illico à la direction départementale de la police. «On nous a fait savoir que l’IGPN était offusquée d’avoir reçu des menaces d’un syndicat», raconte Stéphane Léonard. En signe de protestation, quelques policiers nantais sont immédiatement allés chercher les affichettes qui ont été déchirées. Une a été reconstituée, et tourne depuis sur les réseaux sociaux et les forums de police, déjà chauffés à blanc par le climat ambiant. Dans un tract, Unité SGP Police FO dénonce le «deux poids deux mesures» et une démarche de l’IGPN trahissant une volonté d’enquêter à charge :«L’enquête doit participer à la manifestation de la vérité et ne doit pas avoir pour but a priori d’administrer la preuve de la commission d’une faute.» «Il ne s’agit pas de dissimuler d’éventuels dérapages, mais en ce moment, alors que les collègues sont mobilisés en continu, c’est très très mal venu, et ça a été très très mal perçu», ajoute Stéphane Léonard.
Maladresse
Depuis, l’affaire a provoqué un certain boxon, jusqu’au niveau national.«On n’a jamais vu ça», dit Nicolas Comte, porte-parole d’Unité SGP Police FO, qui se dit «choqué». Du côté de la direction de l’IGPN, en charge d’une petite dizaine d’enquêtes pour violences policières dans le cadre des manifestations contre la loi travail, on se serait bien passé de ce psychodrame breton qu’on essaie de relativiser. D’abord en insistant sur le petit nombre d’affiches. «Il y a eu un seul papillon affiché sur un bâtiment, et une petite dizaine d’autres a été déposée dans des boîtes aux lettres», affirme Marie-France Monéger-Guyomarc’h, directrice de l’IGPN. Bref, pas vraiment un tractage massif. Mais c’est surtout le procédé lui-même que défend la patronne de la police des polices : «C’est une technique qui n’est ni illégale ni illégitime. Tous les policiers qui cherchent des témoins font du porte à porte ou laissent des appels à témoin dans les boîtes aux lettres. Cela ne préjuge pas du tout de la nature des témoignages. Nous travaillons à charge et à décharge.»
En revanche, la directrice reconnaît une maladresse dans le libellé de l’appel à témoin, qui acte de fait la thèse de la violence policière, en dépit d’un conditionnel. «Nous comprenons très bien que cela ait pu être mal reçu, dans le contexte où les forces de l’ordre sont l’objet de suractivité, reçoivent des quolibets, des œufs ou même des coups. Mes collaborateurs [de l’IGPN] auraient pu afficher plus de neutralité dans la rédaction. Mais la démarche n’a rien de scandaleux.» En attendant, le syndicat Unité SGP de Loire-Atlantique réfléchit à une riposte, visant à afficher des tracts appelant les citoyens à témoigner contre les violences des manifestants contre des forces de l’ordre. Guerre des polices, guerre des affichettes.