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Aux Philippines, Duterte exige le départ des militaires américains

Philippines

Lien publiée le 13 septembre 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.liberation.fr/planete/2016/09/13/aux-philippines-duterte-exige-le-depart-des-militaires-americains_1495486

Le président estime que leur présence conduit à l'instabilité dans le sud du pays, où sévissent plusieurs rébellions. Et annonce qu'il va acheter des armes à la Russie et à la Chine.

C’est au tour des forces spéciales américaines de se retrouver dans le viseur de Rodrigo Duterte. Le président philippin a affirmé lundi soir avoir ordonné aux conseillers militaires des Etats-Unis de quitter le sud des Philippines. Et cette déclaration risque de mettre à mal une relation bilatérale qui ne cesse de se dégrader sérieusement depuis l’arrivée de Duterte à la présidence en juin. La semaine dernière, «Duterte Harry»avait traité Barack Obama de «fils de pute» avant la tenue d’un sommet de l’Asean (Association des nations du sud-est asiatique) au Laos.

Lundi, lors d’une réunion à Davao, la ville du sud philippin dont il a été maire pendant plus de vingt ans, Duterte a lié la guerre avec les indépendantistes musulmans dans le sud du pays à la présence des Etats-Unis. «Les forces spéciales, elles doivent s’en aller. Elles doivent quitter Mindanao. Il y a beaucoup de Blancs là-bas. Si [les jihadistes] voyaient un Américain, ils le tueraient. Ils demanderaient une rançon, puis le tueraient. Même si vous êtes un Noir ou un Blanc américain, aussi longtemps que vous êtes un Américain [ils vont vous tuer]

Plus de 150 000 morts

Avec la présence des troupes américaines, «la situation va empirer, a curieusement pronostiqué Duterte. Je ne veux pas une rupture avec l’Amérique. Mais ils doivent s’en aller. […] Tant que nous restons avec l’Amérique, nous ne pourrons jamais avoir la paix dans ce pays.» A Washington, le Pentagone comme le Département d'état ont affirmé n'avoir reçu aucune demande officielle de Manille. De son côté, le ministre philippin des Affaires étrangères, Perfecto Yasay, a tenté mardi d'arrondir les angles, en laissant entendre que le chef de l’Etat se souciait de la sécurité des conseillers américains «qui risquaient de prendre des risques non nécessaires».

Devant les représentants de l'armée de l'air Philippine, ce mardi, Rodrigo Duterte a déclaré qu'il allait acheter des armes à la Chine et à la Russie. Cette décision rebat les cartes du traité de défense que Manille a signé avec Washington en 1951, au titre duquel les Philippines importaient les trois quarts de son équipement militaire des Etats-Unis. En acquérant de nouveaux équipements, Duterte entend mieux lutter contre les troubles dans la région de Mindanao. 

Depuis quarante ans, le gouvernement philippin combat l’indépendantisme musulman et l’insurrection communiste dans le sud du pays, des affrontements qui ont fait plus de 150 000 morts. Il fait face à une kyrielle de milices et de guérillas, dont le plus offensif en ce moment est Abou Sayyaf. Créé en 1991 à la suite d’une scission d’avec le Front Moro islamique de libération nationale (MNLF), ce groupe terroriste a été fondé avec des soutiens financiers d’Al-Qaeda, à qui les fondamentalistes ont prêté allégeance dans les années 90, avant de tourner casaque et de rallier les couleurs noires de l’Etat islamique en 2014. Ces derniers mois, ils ont multiplié les kidnappings, les demandes de rançon et les décapitations d’étrangers.

Dans cette région pauvre et sous-développée, Duterte a relancé les négociations afin de parvenir à des accords de paix avec les rébellions communiste et musulmane. En août, il a repris des pourparlers avec la plus importante organisation séparatiste musulmane, le Front Moro islamique de libération. Mais Manille peine à venir à bout du terrorisme jihadiste. Les Etats-Unis ont proposé leurs services à Manille après les attentats du 11 septembre.

Duterte à rebours de Benigno Aquino

A partir de janvier 2002, Washington a mis en place l’opération Enduring Freedom : jusqu’à 1 200 hommes sont venus prêter main-forte aux Philippins dans la région de Mindanao, surtout dans la ville de Zamboanga, les îles de Jolo et de Basilan, deux bastions d’Abou Sayyaf. Il s’agissait pour l’essentiel de forces spéciales, de conseillers et d’officiers d’élite de la CIA. Entraînements, conseils, appui technique, les Américains n’ont pas le droit de participer à des opérations, ni à des combats – sauf en cas de légitime défense – selon les termes de la Constitution philippine. Puis en 2014, le nombre de ces conseillers spéciaux a été revu à la baisse. Voltaire Gazmin, le ministre philippin de la Défense de l’époque, annonçait que seulement 200 Américains resteraient stationnés dans le sud du pays. Ils seraient aujourd'hui une centaine.

Lundi, Rodrigo Duterte n’a pas précisé le nombre d’officiers concernés, ni le calendrier envisagé. Cette dernière déclaration va en tout cas à rebours de la politique de son prédécesseur, Benigno Aquino, qui avait noué et intensifié avec Barack Obama une relation chaleureuse.

En avril 2014, Manille et Washington avaient signé pour dix ans un ambitieux accord de coopération de défense renforcé, les Philippins autorisant une plus grande présence des GI en échange d’une plus grande protection des Etats-Unis. Signé en grande pompe par les deux présidents, le texte réaffirmait les liens philippino-américains au moment où la Chine se lançait dans une vaste opération de poldérisation d’îlots et de récifs en mer de Chine méridionale.

Base stratégique de Subic Bay

En juillet 2015, face à l’hégémonisme sans frein de Pékin dans ces eaux stratégiques, l’administration de Benigno Aquino est allée jusqu’à annoncer la réouverture – mais de façon temporaire – aux navires de guerre américain de l’ancienne base navale en eaux profondes de Subic Bay.

A LIRE AUSSI: Mer de Chine : Pékin a «violé les droits souverains des Philippines»

Cette base est idéalement située, à 270 kilomètres de l’atoll de Scarborough, une possession revendiquée par Manille sur laquelle les Chinois ont fait main basse en 2012. Les Américains en avaient été exclus en 1992 au terme de longs mois de discussions entre les deux partenaires et d’un débat enflammé aux Philippines. Les sénateurs considéraient cette présence militaire comme un mauvais vestige de l’époque coloniale, quand les Etats-Unis ont occupé le pays entre 1898 et 1946.

«L’Amérique ne mourra jamais pour nous.»

Il n’est pas interdit de penser que Rodrigo Duterte cherche à exploiter ce sentiment d’honneur bafoué, et se pose en défenseur de la souveraineté nationale. Déjà à l’été 2015, le presque-candidat n’avait pas mâché ses mots lors d’un débat sur les périls en mer de Chine méridionale.«L’Amérique ne mourra jamais pour nous. Si l’Amérique s’en souciait, elle aurait dépêché des porte-avions, des frégates au moment où la Chine a commencé à revendiquer des terres dans des zones contestées, mais rien de cela n’est arrivé.»

Lundi, après les propos de Duterte sur les conseillers américains qui devaient quitter Mindanao, le porte-parole du président, Ernesto Abella, a indiqué que cette annonce «reflétait une nouvelle orientation vers une politique étrangère indépendante». Seul face au géant chinois.