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Espagne : la lourde facture de la crise bancaire

économie Espagne

Lien publiée le 14 septembre 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/espagne-la-lourde-facture-de-la-crise-bancaire-598697.html

L'Etat espagnol pourrait perdre jusqu'à 38 milliards d'euros dans le renflouement des banques. Le coût d'une bulle hors de contrôle et d'une mauvaise réaction.

Le sauvetage bancaire espagnol a coûté cher au contribuable.Selon les chiffres de la Banque d'Espagne publiés lundi 12 septembre, l'Etat a récupéré seulement 2,69 milliards d'euros sur les 51,3 milliards d'euros versés au total, soit un total de 5,2 %. Certes, la facture d'une telle opération est un processus en cours, elle se définit au fur et à mesure de la réalisation de l'actif des banques sauvées. Mais la facture est d'ores et déjà très salée puisque le bilan négatif des ventes déjà effectuée s'élève à 26,3 milliards. Il faut y ajouter quelques 11,71 milliards d'euros jugés « irrécupérables » par la Banque d'Espagne. Au total, ce sont pas moins de 38,1 milliards d'euros qui reviendront à la charge du contribuable espagnol, soit environ 4,2 % du PIB espagnol.

Echec pour les gouvernements espagnols

Certes, on est loin de la charge du sauvetage bancaire pour l'Irlande (18,2 % de son PIB) ou de la Grèce (16,8 %), mais l'Espagne arrive, après la Slovénie, Chypre et le Portugal, en sixième position dans l'UE concernant le coût net du sauvetage de ses banques. La moyenne européenne est de 1,4 % du PIB et plusieurs pays, dont la France, ont finalement gagné de l'argent avec les prêts accordés aux banques. Ce n'est pas le cas de l'Espagne, malgré les affirmations, en 2012, du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. Le 31 août 2012, par exemple, la vice-présidente du gouvernement, Soraya Sáenz de Santamaría affirmait que « nous avons fait ce sauvetage bancaire pour qu'il ne coûte pas un euro au contribuable ». Sur le plan historique, cette facture est unique. Selon les données de la banque centrale, en 1978 et 2004, l'Espagne a dépensé 9 milliards d'euros pour sauver ses banques.

Les effets de la crise bancaire

Le problème est que ce « coût pour le contribuable » ne s'est pas uniquement traduit par des hausses d'impôts, c'est un coût pour la société espagnole dans son ensemble. D'autant que, en s'endettant pour sauver ses banques, l'Espagne, comme les autres pays, a dû se soumettre à un programme « d'ajustement » défini par l'UE qui a accéléré la récession causée par l'éclatement de la bulle immobilière. Les coupes claires dans les dépenses publiques ont ainsi touché des secteurs essentiels pour l'avenir du pays comme la santé, l'éducation ou la recherche. Elles ont aussi conduit à une déstabilisation politique en contribuant à détruire le bipartisme traditionnel. Depuis le 20 décembre dernier et malgré deux élections, le pays - par ailleurs touché par un réveil du sécessionnisme en Catalogne à laquelle la crise a pris sa part - est sans majorité. Les conséquences de cette lourde facture sont donc importantes : elles se font, du reste, encore sentir économiquement. Pour ménager son électorat, le gouvernement Rajoy a stoppé la consolidation budgétaire en 2015, alors que, en raison de ces pertes, le déficit est demeuré élevé. La Commission européenne lui demande désormais de nouvelles coupes budgétaires pour 2017 et 2018.

Un meilleur sauvetage bancaire est-il possible ?

Le fiasco du sauvetage bancaire espagnol est donc évident. Etait-il évitable ? La discussion est vaste sur ce point. Sauver une banque c'est aussi sauver ses déposants, ce qui n'est pas anodin, car la perte des dépôts bancaires peut aussi avoir de lourdes conséquences macroéconomiques, notamment sur la demande interne. Et il est impossible de prévoir quel choix est, in fine, le meilleur. Il est possible, comme l'a fait l'Islande, de réduire le coût du sauvetage en « triant » les déposants : l'île nordique a garanti les dépôts domestiques et sacrifier les dépôts étrangers. On peut choisir aussi de faire payer les créanciers plutôt que les déposants ou, comme dans le nouveau mécanisme de résolution bancaire européen, de prioriser les participations en garantissant une part des dépôts (au-dessous de 100.000 euros). Aucun choix, en réalité, n'est satisfaisant ni totalement protecteur pour l'économie. On notera cependant que, dans le cas espagnol, le choix d'un renflouement complet, protégeant déposants et créanciers, a été choisi et qu'il est le plus coûteux.

L'immobilier, seul moteur de la croissance

Le mieux est donc la prévention. De ce point de vue, l'Espagne - à l'image de la zone euro - a entièrement échoué. La bulle immobilière espagnole trouve son origine dans l'aplanissement des taux qui a suivi la création de la zone euro. La bulle a entraîné une forte croissance, qui a amélioré les finances publiques et donner l'illusion d'une économie forte et résistante. Cette illusion a, elle-même, entretenu la baisse des taux et donc la bulle. En 2005, l'Espagne pouvait ainsi s'endetter à meilleur marché que l'Allemagne. La perte relative de compétitivité qu'a alors subie le pays face à une Allemagne en pleine modération salariale, les flux de capitaux venant de pays en excédent courant et alléchés par les rendements espagnols ainsi que l'absence de régulation ont renforcé le phénomène : l'immobilier est devenu le carburant de la croissance espagnole et la cible quasi exclusive des crédits bancaires. L'éclatement de la bulle a donc été redoutable pour les banques prêteuses, principalement les caisses régionales, les fameuses Cajas. La raison principale de la facture espagnole du sauvetage bancaire provient donc de cet emballement auquel chacun a eu sa part de responsabilité.

Illusions

Reste que la facture a été aggravée par une mauvaise gestion de la crise bancaire espagnole. En 2008, l'Etat est certes intervenu pour calmer les esprits, mais insuffisamment. A l'époque régnait, pas seulement en Espagne, un mythe : la réglementation de la Banque d'Espagne protégeait le pays de toute crise bancaire. Début 2009, la BCE organisait ainsi un colloque à l'instituto Cervantes de Francfort pour vanter les mérites de cette réglementation alors que, partout, le système bancaire s'effondrait. Mais, pendant que chacun se félicitait, la crise immobilière se déchaînait. Si les banques espagnoles n'ont pas eu de problèmes de liquidités en 2008 et 2009, elles ne tardent pas à souffrir sous le poids des mauvaises créances. A partir de 2010, la crise de la zone euro alourdit encore les difficultés des banques espagnoles. L'Etat reste longtemps de marbre, ce qui a conduit à un alourdissement de la facture puisque les reventes de produits financiers sont devenues plus complexes et les coûts plus élevés.

Réaction tardive

Il a fallu que l'Espagne soit menacée d'être emportée par la crise de la zone euro et perde son accès au marché, en 2012, pour que le gouvernement réagisse. De ce point de vue, la responsabilité est donc partagée entre les gouvernements socialiste et conservateur (au pouvoir à partir de 2011). En matière de crise bancaire, le pourrissement aggrave la situation. Les cas autrichien (avec Hypo Alpe Adria), chypriote et irlandais l'ont aussi montré. Là où le gouvernement de Mariano Rajoy a commis des erreurs, c'est dans un certain optimisme sur la situation qui l'a amené à sous-estimer le coût de l'assainissement bancaire. Les prix de rachat des actifs des banques renflouées par la Sareb, la « bad bank » publique espagnole, ont été clairement surévalués. A cela s'est ajouté le contexte économique, créé par la politique menée par Madrid et imposée par la troïka qui a encore aggravé la facture et rendu invendable les entités recapitalisées. Sans compter sur le fait que le crédit a été alors naturellement asséché.

Comment éviter ces crises ?

Les responsabilités sont donc multiples, mais elles soulignent le besoin de réfléchir d'urgence aux moyens d'éviter des crises bancaires de grande ampleur. Or, on en est loin. Si la réglementation bancaire a fait des progrès considérables, elle reste soumise à des manques certains. L'union bancaire, censée empêcher ce type de crise, est un progrès également, mais l'absence d'une garantie unique pour les dépôts au niveau européen en raison de l'opposition allemande et son manque de flexibilité la fragilise. Aussi voit-on des pays comme la Grèce, l'Italie et le Portugal tenter de l'éviter à tout prix. Enfin, les conditions des bulles financières restent d'actualité : l'isolement de la BCE dans sa lutte contre l'inflation faible, en raison de l'opposition des Etats européens à toute relance d'envergure est le premier carburant d'une telle crise. La facture espagnole pourrait donc ne pas être la dernière.