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CHU de Toulouse : un nouveau scénario à la « France Télécom » ?

santé Toulouse

Lien publiée le 10 octobre 2016

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

29 septembre 2016 | Rédaction ActuSoins | mots clefs : CHU Toulouse, Suicides infirmiers27 réactions

http://www.actusoins.com/279468/chu-de-toulouse-un-nouveau-scenario-a-la-france-telecom.html

 

Avec huit suicides, l'été fut meurtrier pour les personnels hospitaliers de France. Pour comprendre les raisons professionnelles qui ont pu pousser ces soignants à de telles extrémités, ActuSoins est allé enquêter à Toulouse, où quatre professionnels se sont donné la mort. 

CHU de Toulouse : un nouveau scénario à la « France Télécom » ?Les bâtiments de l'hôpital Purpan scintillent sous le soleil de septembre. Le nouvel hôpital de psychiatrie a ouvert ses portes en 2013, le bâtiment Pierre Paul Riquet, qui héberge 600 lits, en avril 2014, et le bâtiment « urgences réanimation médecines », en 2015.

Investissements et contraintes budgétaires

En tout, un milliard d'euros a été investi par l'hôpital dans cette rénovation depuis 2013. «Les investissements réalisés pour ces nouveaux bâtiments ont été fait sur les fonds propres de l'hôpital, et par des emprunts, car l'Etat veut bien qu'il y ait des rénovations, pourvu qu'il n'y mette pas un euro. Le CHU ne peut plus emprunter auprès de la Caisse des dépôts, avec des taux d'intérêts entre 0 et 1%. La direction a contracté une trentaine de prêts auprès de Dexia, la BNP, la Société Générale, etc. pour des taux d'intérêt allant de 3 à 5%. En 2015, le CHU a remboursé 15 millions d'euros d'intérêts, et 18 millions en 2016 », explique Julien Terrié, secrétaire CGT du CHSCT central du CHU de Toulouse et manipulateur radio.

La ville rose accueille chaque année 10 à 15 000 nouveaux habitants, et l'hôpital doit s'adapter à cette démographie galopante. Pour autant, les créations de postes ne suivent pas.

Sous effectif structurel

Ce qu'il dépense d'une main, le CHU doit donc l'économiser de l'autre. Car s'il ne maintient pas un certain taux d'autofinancement, l'hôpital risque de voir son budget rejeté par l'agence régionale de santé (ARS), voire, si les déficits de l'établissement sont trop élevés, tomber sous la tutelle de l'Etat.

La direction du CHU procède donc à des restructurations, supprime des postes au passage, ce qui intensifie le travail. « Nous sommes en situation de sous-effectif permanent. A chaque restructuration, on nous explique qu'il faut rendre des postes ».

En neurochirurgie, il y avait dans le service, une infirmière pour six lits. Au moment du déménagement, il n'y en avait plus qu'une...pour dix. Soit un gain de productivité moyen de 30%. Et ce, sans que la direction ne procède à une évaluation des risques psychosociaux qui résultent de ces restructurations, alors que c'est obligatoire.

Les économies peuvent aussi se faire sur le nombre de jours moyens passés sur un lit par les patients, que la direction tente de réduire au maximum. Or chaque changement de patient, c'est autant de travail en plus pour les salariés : le nettoyage de la chambre à effectuer, de nouveaux examens à faire... "Par exemple, l'activité, à l'hôpital des enfants, a augmenté de 10%", explique le manipulateur radio.

Progressivement, les « pool » de remplaçants sont supprimés et on affecte leurs membres à des postes permanents. « Depuis l'été, l'hôpital n'a plus recours à l'intérim, trop cher », explique Pauline Salingue, éducatrice et déléguée au CHSCT. « Quand un collègue manque à l'appel, le réflexe, c'est de rappeler un autre collègue pour qu'il vienne le remplacer. D'une part, c'est interdit par la loi, cela peut être qualifié comme du harcèlement. D'autre part, cela déplace le problème. Comme on s'auto-remplace, on accumule des jours sur notre compte épargne temps ».

«Aujourd'hui, il y a de quoi financer 240 équivalents temps pleins sur les comptes épargne temps, et 230 en heures supplémentaires. L'hôpital, qui provisionne ces sommes, et à qui cela revient cher, nous intime de poser nos congés. Mais nous rappelle, lorsqu'on les pose, parce qu'il n'y a pas assez de collègues pour assurer le service ! C'est le serpent qui se mord la queue ! », poursuit l'éducatrice. Bilan : un stress plus important, et, souvent, une perte de sens de leur travail.

Lean Management

Et les économies sur le nombre de postes se poursuivent. « En 2016, il y a une expertise des comptes de l'hôpital. Or il s'avère que le déficit- de 29 millions d'euros- est bien plus important que les 14 millions que la direction avait évalué. Pour échapper à la tutelle, ils ont donc proposé au Comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins un plan, baptisé A.V.E.N.I.R. Il prévoit, outre la privatisation du brancardage et du bionettoyage, de supprimer 200 postes et 60 lits d'ici 2018 », explique Julien Terrié. Ces 200 postes feraient partie des 22 000 emplois hospitaliers que le gouvernement souhaiterait supprimer d’ici 2018, selon le syndicaliste. 

« A ce sous-effectif structurel, il faut ajouter l'arrivée d’équipes, aux ressources humaines ou à la logistique, venant du privé, et adeptes du  "lean management". Avant, ils ont été manager chez Danone, Carrefour, Pimkie... Leur but, c'est de faire la chasse aux temps morts», analyse Julien Terrié.

En avril, la réaction d'une de ces jeunes managers avait ému les personnels hospitaliers. « Si elle ne sait pas gérer son stress, elle n'a qu'à faire caissière en Casino », avait-elle murmuré en réunion de CHSCT après qu'une salariée ait fait part de sa souffrance au travail. Entendu également par Julien Terrié au service des projets structurants : « je suis un tank, j’avance, je ne me soucie pas des conséquences ».

« On nous demande de faire du soin individuel, au plus près des patients, mais parallèlement, on nous enlève le temps des entretiens infirmiers, du temps pour l'accompagnement des parents, car c'est du temps mort », explique Annette, puéricultrice en réanimation pédiatrique.

Chostine, était cadre modèle à la logistique jusqu'à ce qu'on la rétrograde. « J'avais ouvert ma bouche, parce qu'au service logistique, nous n'étions plus que 3, au lieu de 6 pour répartir les poches de sang et le matériel sur les divers hôpitaux : c'était dangereux. Peu à peu, j'ai été écartée de l'encadrement ». 

«On m'a inventé une faute professionnelle pour me chasser. Quand la cadre m'a annoncé que j'allais redevenir chauffeur, alors que j'ai des restrictions médicales liées à un problème de tendon d’Achille, et que j'allais perdre au passage 300 euros de revenus, je suis tombée en dépression », explique Chostine.

Les premiers qui trinquent sont les salariés bénéficiant de "restrictions médicales", souvent plus fragiles. Au CHU, 600 postes sont aménagés, conséquence d'un travail qui ronge parfois la santé physique et/ou mentale. Deux personnes ayant attenté à leur vie à Toulouse étaient dans ce cas de figure. 

Les salariés sont convaincus de la nécessité d'adapter les effectifs à la charge de travail, d'établir des diagnostiques de risques psychosociaux préalablement aux restructurations, et de donner des moyens financiers supplémentaires pour l'hôpital.

Elsa Sabado

Le contexte

Le 13 juin, un infirmier mettait fin à ses jours dans les murs du CHU de Toulouse, en s'injectant une solution contenant du curare. Un collègue de Purpan, un autre site toulousain, suivait le 20 juin. Le 21 juin, c'était au tour d'une étudiante de l'IFSI de Toulouse. Le 24 juin, une autre infirmière, au Havre, cette fois-ci, se donnait la mort par pendaison. Le 1er juillet, une aide-soignante de l'hôpital des enfants de Toulouse rallongeait la liste. Le 5 juillet, c'était un cadre de santé de Saint-Calais, près du Mans. Puis, à Reims, deux infirmières  le 23 juillet et le 13 août. Bilan : huit suicides en trois mois dans les CHU de l'Hexagone.

A plusieurs reprises, les soignants ont clairement indiqué le lien entre leur passage à l'acte et leurs conditions de travail, soit en se donnant la mort sur leur lieu de travail, soit en laissant des lettres explicites.

Pour d'autres, l'enquête est encore en cours. 

Le CHU de Toulouse "endeuillé et touché"

Le CHU, "endeuillé et touché" a de son côté, communiqué par voie de presse : Outre l'enquête administrative ouverte après le premier suicide, l'établissement s'est engagé à relancer une grande enquête "baromètre social", confiée à un cabinet spécialisé extérieur, pour "donner toutes les garanties en termes de confidentialité et interroger les personnels sur différentes thématiques : conditions de travail, organisation, dialogue social, climat de travail et relations avec la hiérarchie". 

Le CHU précise aussi qu'un accompagnement individuel est réalisé depuis plusieurs années pour "les agents en souffrance au travail" en lien avec le service de santé au travail. "Des actions collectives et pédagogiques concourent aussi  à la prévention des risques psychosociaux