Agenda militant
- Marche des fiertés (Paris)
25
juin
Ailleurs sur le Web
![S’abonner au flux RSS [RSS]](images/rss.jpg)
- Construisons une gauche de combat (24/06)
- Mobilisation révolutionnaire en Equateur (24/06)
- Le bitcoin ou le retour de l’étalon-or (24/06)
- Le jeune homme, d’Annie Ernaux (24/06)
- Mizrahim, de Michale Boganim (24/06)
- Turquie : menaces d’invasion et fuite en avant nationaliste (24/06)
- Syndicalisme aux États-Unis : deux visions de la voie à suivre (24/06)
- Colombie : une victoire éclatante mais fragile de la gauche (24/06)
- Belgique : libérer les salaires, bloquer les prix ! (24/06)
- 140 députéEs pour la Nupes : et maintenant ? (24/06)
- Entretien de Ruffin avec "Le vent se lève" (23/06)
- Le "tournant de la rigueur" de 1983: un moment décisif, vraiment ? (23/06)
- MOI, JOURNALISTE FANTÔME AU SERVICE DES LOBBIES… (23/06)
- “Le Point”, Corbière et Garrido : vie et mort d’un scoop frelaté (23/06)
- Au coeur de la guérilla naxalite en Inde (22/06)
- Gustavo Petro, Francia Márquez et l’espoir en Colombie (22/06)
- Tanzanie : 700 officiers des forces armées attaquent des Massaï. (21/06)
- Un revers ? – Non, Sire : une débâcle ! (20/06)
- Les ouvriers de la logistique, un enjeu stratégique pour le syndicalisme (20/06)
- Gustavo Petro, premier président de gauche de l’histoire de la Colombie (20/06)
- Les macronards en déroute aux Antilles et en Guyane (19/06)
- CGT, Solidaires, FSU : faut-il aller vers un syndicalisme unifié ? (18/06)
- ANARCHISME ET PHILOSOPHIE Une discussion avec Catherine Malabou (18/06)
- EXCLUSIF : Le rappeur Médine va voter NUPES (17/06)
- Usul. La Nupes est-elle d’extrême gauche ? (17/06)
Liens
- Notre page FaceBook
- Site du NPA
- Démosphère (Paris, IdF)
- Site anti-k.org
- Le blog de Jean-marc B
- CGT Goodyear
- Démocratie Révolutionnaire
- Fraction l'Étincelle
- Anticapitalisme & Révolution
- Révolution Permanente (courant CCR)
- Alternative Communiste Révolutionnaire (site gelé)
- Ex-Groupe CRI
- Librairie «la Brèche»
- Secteur jeune du NPA
- Marxiste.org
- Wiki Rouge, pour la formation communiste révolutionnaire
Violence patronale, violence ouvrière (Jaurès et Clemenceau, 1906)
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Violence patronale, violence ouvrière (Jaurès et Clemenceau, 1906)
Juin 1906. Les premiers mois de cette année 1906 furent marqués par de nombreuses grèves. A la Chambre, mi- juin, plusieurs débats opposent le Ministre de l’Intérieur, Georges Clemenceau, et Jean Jaurès. Dont l’un porte sur cette « violence ouvrière » que le ministre, garant d’un ordre (sanglant) se plaît à souligner.
L’occasion pour Jaurès de rappeler d’où vient cette violence et quelle autre violence, beaucoup plus insidieuse, porte le capitalisme.
[Sur le même sujet, deux autres textes de Jaurès : Violence des pauvres, violence des maîtres (1912) ; M. Clemenceau et les grèves (mars 1906).]
Jean Jaurès :
J’estime que l’action légale peut être aujourd’hui plus puissante, plus efficace que l’action convulsive. Nous voulons demander à la classe ouvrière de s’organiser légalement pour échapper à toute tentative et à toute possibilité de violence ; mais, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, nous ne sommes pas, nous ne pouvons pas être les dupes de l’hypocrisie sociale des classes dirigeantes. [...]
Ce qu’elles entendent par le maintien de l’ordre…, ce qu’elles entendent par la répression de la violence, c’est la répression de tous les écarts, de tous les excès de la force ouvrière ; c’est aussi, sous prétexte d’en réprimer les écarts, de réprimer la force ouvrière elle-même et laisser le champ libre à la seule violence patronale.
Ah ! Messieurs, quand on fait le bilan des grèves, quand on fait le bilan des conflits sociaux on oublie étrangement l’opposition de sens qui est dans les mêmes mots pour la classe patronale et pour la classe ouvrière. Ah ! les conditions de la lutte sont terriblement difficiles pour les ouvriers ! La violence, pour eux, c’est chose visible…
M. le Ministre de l’Intérieur (Georges Clemenceau) : Fressenneville (1) se voit, ce n’est pas un écart de langage, cela !
Jean Jaurès : Oui, Monsieur le Ministre, la violence c’est chose grossière…
M. le Ministre de l’Intérieur : Cependant, elle ne vous frappe pas !
Jean Jaurès : … palpable, saisissable chez les ouvriers : un geste de menace, il est vu, il est retenu. Une démarche d’intimidation est saisie, constatée, traînée devant les juges. Le propre de l’action ouvrière, dans ce conflit, lorsqu’elle s’exagère, lorsqu’elle s’exaspère, c’est de procéder, en effet, par la brutalité visible et saisissable des actes. Ah ! Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclat de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continueront la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. Cela ne fait pas de bruit ; c’est le travail meurtrier de la machine qui, dans son engrenage, dans ses laminoirs, dans ses courroies, a pris l’homme palpitant et criant ; la machine ne grince même pas et c’est en silence qu’elle le broie. [...]
La même opposition, elle éclate dans la recherche des responsabilités. De même que l’acte de la violence ouvrière est brutal, il est facile au juge, avec quelques témoins, de le constater, de le frapper, de le punir ; et voilà pourquoi toute la période des grèves s’accompagne automatiquement de condamnations multipliées.
Quand il s’agit de la responsabilité patronale – ah ! laissez-moi dire toute ma pensée, je n’accuse pas les juges, je n’accuse pas les enquêteurs, je n’accuse pas, parce que je n’ai pas pu pénétrer jusqu’au fond du problème, je n’accuse pas ceux qui ont été chargés d’enquêter sur les responsabilités de Courrières (2), et je veux même dire ceci, c’est que quel que soit leur esprit d’équité, même s’ils avaient le courage de convenir que de grands patrons, que les ingénieurs des grands patrons peuvent être exactement comme des délinquants comme les ouvriers traînés par charrettes devant les tribunaux correctionnels, même s’ils avaient ce courage, ils se trouveraient encore devant une difficulté plus grande, parce que les responsabilités du capital anonyme qui dirige, si elles sont évidentes dans l’ensemble, elles s’enveloppent dans le détail de complications, de subtilités d’évasion qui peuvent dérouter la justice. [...]
Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité.
Vous me disiez, monsieur le ministre, que nous vous accusions d’avoir caché un cadavre ; non, nous ne vous avons pas accusé d’avoir caché un cadavre, mais il y a 1 400 cadavres que la société capitaliste est en train de cacher ! »
-
(1) – A Fressenneville, en avril 1906, le château du plus important patron de la commune fut incendié lors d’un mouvement de grève des ouvriers de la serrurerie.
(2) – Catastrophe de Courrières, la plus importante catastrophe minière d’Europe, avec plus de 1200 morts et des responsables qui sauvèrent des installations en sacrifiant des mineurs.