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Nous, étudiants étrangers, défendrons l’enseignement public français

étudiants Université

Lien publiée le 25 novembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://blogs.mediapart.fr/les-eleves-de-la-section-internationale-de-l-ens-ulm/blog/231118/nous-etudiants-etrangers-defendrons-lenseignement-public-f

Etudiants non-français de la Sélection internationale de l’École Normale Supérieure, nous nous opposons à l'augmentation des frais de scolarité pour les étudiants extra-communautaires. L'université française est notre université ; c'est en tant que telle que nous la défendrons avec toutes nos forces face aux réformes néolibérales qui préparent sa marchandisation et sa privatisation.

Nous sommes des étudiants et des étudiantes non-français.e.s issu.e.s du concours de la Sélection internationale de l’École Normale Supérieure de Paris. Nous nous opposons avec conviction à la proposition, présentée par le Premier ministre Édouard Philippe au nom du gouvernement français, qui annonce l'augmentation jusqu'à 1400% des frais d’inscription en Licence, Master et Doctorat pour les étudiants et les étudiantes qui proviennent de pays en dehors de l’Union européenne (allant jusqu'à 3770 euros par an par étudiant).

La position prise par le Premier ministre au sujet du coût de la scolarité des étudiant.e.s non-européen.ne.s est profondément injuste et fait preuve d’une politique qui imbrique la ségrégation de classe, la xénophobie et le racisme institutionnels. En effet, et contrairement à la perspective du Premier ministre, nous toutes et tous, étudiant.e.s étranger.e.s, européen.ne.s et non-européen.ne.s, ne sommes pas venu.e.s en France pour «profiter de la quasi-gratuité du système éducatif». Les étudiant.e.s étranger.e.s sont 41% à rester travailler en France après leurs études. Ceux de nous qui restent contribuent à l’économie du pays plus qu’ils ne lui coûtent ; ceux qui décident de rentrer contribuent au renforcement des liens économiques et culturels de la France et de leur pays d’origine. Selon l’institut BVA, les étudiant.e.s étranger.e.s apportent en moyenne 4,65 milliards d’euros, mais ils ne coûtent «que» 3 milliards par an. Cela signifie que nous, actuel.e.s et ancien.ne.s étudiant.e.s étranger.e.s, apportons à l’économie française 1,65 milliard d’euros nets chaque année, via notre contribution aux impôts et aux cotisations de sécurité sociale. Même pendant nos études, nous soutenons la vie étudiante et de campus en payant la Contribution vie étudiante et de campus (CVEC). A cela s’ajoutent des frais de scolarité raisonnables mais substantiels (175-300 euros). 

Cependant, par-delà les raisons financières, lors qu’on interroge les raisons sociales et culturelles on se convainc d'autant plus du caractère injuste, injustifié et discriminatoire des propos du gouvernement. Pour beaucoup d’entre nous, la possibilité d’étudier en France n'est pas un calcul fait à base de la quasi-gratuité du système éducatif du pays ; cela représente un choix conscient. Un choix qui dépend de la qualité des enseignements et des formations, ainsi que de motivations profondes, culturelles et intellectuelles, liées à nos parcours académiques et nos trajectoires personnelles respectives. Un choix qui reflète encore notre appréciation de l’offre pédagogique et la valeur symbolique et réelle du modèle éducatif que représentent l'université et les Grandes écoles publiques françaises. Ces institutions envisagent encore leur mission éducative comme un service à la société et résistent à sa transformation en un marché international. Le projet d’augmentation des frais d’inscription n’est que l’un des exemples d’un projet bien sinistre et dangereux de transformation radicale de l’université publique française et représente pour nous tout d'abord un grand péril pour l'enseignement supérieur du pays. 

De plus, les propos du gouvernement constituent une insulte envers nous, étudiants étrangers. Nous ne sommes pas venus en France pour parasiter son système éducatif. Nous sommes en France car nous avons décidé de vivre et d’étudier ici, de nous engager dans la recherche, de participer à la vie intellectuelle, politique et culturelle du pays... avec notre “différence”. Une “différence” constitutive - de méthode, de regard, d’esprit - qui se révèle être une richesse pour l’université française, renouvelant ses disciplines et contribuant à la réflexion critique et pédagogique en son sein. Nous autres étrangers participons activement à la recherche française et contribuons au rayonnement des universités du pays, de la culture française et de la francophonie. Nous occupons une place particulière dans l’enseignement supérieur français, non réductible à un rapport coût-bénéfice, ni à une relation parasitaire entre un pays avec un passé colonial et les périphéries. 

Nous, les étudiant.e.s étranger.e.s de l'ENS Ulm, avons eu des expériences d'exclusion et de violence symboliquemême dans un contexte privilégié comme celui de l’École normale supérieure. Derrière l’idée de la « méritocratie républicaine» se cachent souvent les mécanismes de différenciation sociale par le biais de la mise en place des statuts d'étudiant divers correspondant à des situations matérielles très variées. Obligé.e.s de fournir des grands efforts pour s'adapter aux particularités du système éducatif français et confronté.e.s à l’isolement social et à une distance culturelle à combler remarquable et souvent abandonnés au coeur d’un labyrinthe administratif et bureaucratique, nous affrontons au quotidien des réalités démoralisantes. Nous rejetons alors catégoriquement toute prétention d'élargir la brèche autant entre les élites intellectuelles et les non-privilégié.e.s. Le lexique adopté par le gouvernement,  « rapport coût-bénéfices », « stratégie d’attractivité et de compétitivité internationale» etc, nous montre par transparence les coordonnés d’un modèle éducatif qui repose sur une logique essentiellement capitaliste, eurocentrée et raciste. Cette logique se montre de plus en plus dominante dans le monde universitaire et se trouve au coeur du projet du gouvernement du Président Macron. C’est donc contre cette logique que nous nous mobilisons, pour revendiquer une éducation et un monde ouverts à toutes et à tous. L'université française est notre université et c'est en tant que telle que nous la défendrons avec toutes nos forces face aux réformes néolibérales qui préparent sa dévalorisation, sa marchandisation, sa précarisation et sa privatisation.    

Nous appelons le gouvernement à retirer la mesure qui vient d’être annoncée et de prévoir un dialogue et une délibération ouverts portant sur l’accès à l’éducation publique pour les étudiant.e.s étranger.e.s, notamment extra-communautaires.  Nous invitons toutes et tous les étudiant.e.s, enseignant.e.s et chercheurs-euses, ainsi qu’à la société civile en général à protéger ce bien commun qui est l'éducation, en participant à un mouvement massif en soutien des étudiant.e.s extra-communautaires. La défense de notre droit de mener des études en France et de suivre nos aspirations légitimes est la défense d'un monde plus cosmopolite, plus juste et plus égalitaire. 

Un événement d’ampleur sera organisé à l’Ecole normale supérieure le vendredi 23 novembre à 19 heures afin de s’informer et protester contre la réforme annoncée par le gouvernement en présence de plusieurs personnalités publiques. L’événement sera retransmis en direct devant l’impossibilité d’accueillir dans les locaux toutes les personnes intéressées. Pour s’inscrire:contrebienvenueenfrance@gmail.com