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"Le soulèvement au Chili est le produit de quarante ans d’orthodoxie néolibérale"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Pour l’historien Olivier Compagnon, la colère trouve ses racines dans le décalage entre une croissance économique forte et des inégalités sociales criantes.
Propos recueillis par Aude Lasjaunias Publié aujourd’hui à 10h50, mis à jour à 12h41

Face au soulèvement, des soldats ont été déployés dans les rues de la capitale chilienne Santiago, le 21 octobre. PEDRO UGARTE / AFP
Un pays « en guerre », selon son président, Sebastian Piñera, où onze personnes sont mortes dans des émeutes au cours du week-end : le Chili connaît depuis quelques jours une colère sociale inédite depuis la fin de la dictature en 1990. Une explosion de violence dont l’étincelle a été l’annonce par le gouvernement conservateur de la hausse du prix du ticket de métro, qui a mis au jour l’envers de la médaille d’un pays présenté comme un modèle de réussite en Amérique latine. L’historien Olivier Compagnon, directeur de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL), revient sur les origines de cette rébellion.
Le Chili est souvent présenté comme un modèle de réussite économique en Amérique latine. Il y a quelques jours, le président Piñera le qualifiait d’« oasis » dans une région en proie aux crises. Dans ce contexte, comment expliquer le soulèvement actuel ?
Olivier Compagnon : Ce qui se passe aujourd’hui n’a rien d’étonnant. Le Chili est le premier Etat dans lequel ont été appliquées les recettes de la doctrine néolibérale portée par les « Chicago Boys ». Sous la dictature du général Pinochet, ces disciples de Milton Friedman [économiste américain, Prix Nobel en 1976 et ardent défenseur du libéralisme] ont été chargés de redresser le pays à grand renfort de privatisations, de réduction du rôle de l’Etat et de libéralisation quasi complète de l’économie.
Grâce à ces principes, le « Jaguar de l’Amérique latine » ou l’« oasis vertueuse », selon la formule du président Piñera, affiche une croissance dont le taux ferait pâlir n’importe quel pays européen. Mais, sur le plan intérieur, les conséquences sont plus complexes. Le Chili est, en fait, le champion des inégalités dans la région, avec le Brésil. Le soulèvement actuel est le produit de quarante ans d’orthodoxie néolibérale.
Le pays n’a-t-il pourtant pas connu une réduction drastique du nombre de pauvres ?
Dans les années 2000 jusqu’à environ 2012, la hausse du prix des exportations de matières premières a permis un boom économique dans de nombreux pays d’Amérique latine. Au Chili, qui dispose de grandes ressources de cuivre, celui-ci s’est accompagné, comme au Brésil, d’une baisse de la pauvreté. Mais cela n’est pas synonyme d’une réduction des inégalités, qui nécessité la mise en place d’une politique de redistribution.
Il est d’ailleurs intéressant de voir que la doctrine promue par les « Chicago Boys » n’a jamais été remise en cause, malgré le retour à la démocratie et indépendamment de l’orientation politique du gouvernement – même sous la socialiste Michelle Bachelet.
Les Chiliens ne battent pas le pavé pour obtenir des hausses de salaires, ils demandent aujourd’hui de pouvoir bénéficier de prestations leur permettant d’assurer une dignité personnelle. Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est l’augmentation du prix du ticket de métro, et si l’on écoute les revendications des manifestants, elles touchent aussi aux accès à l’eau et à l’électricité…
La forme de cette protestation, qui allie manifestation et émeute, rappelle « le caracazo » de 1989 au Venezuela. A l’époque, le président, Carlos Andrés Pérez, avait annoncé une série de réformes libérales, suivant les recommandations du Fonds monétaire international (FMI) après des discussions pour renégocier la dette du pays. Déjà à l’époque, un point sensible était l’augmentation des prix des transports. Aujourd’hui comme alors, les pilleurs s’attaquent aux symboles de la société de consommation.

Un manifestant à Valparaiso, au Chili, le 20 octobre 2019. JAVIER TORRES / AFP
Le président Piñera, qui est parmi les hommes les plus riches du monde, a été élu en 2018 après un premier mandat de 2010 à 2014. N’est-ce pas surprenant au regard du mouvement actuel ?
Si beaucoup de jeunes sont aujourd’hui dans les rues, cela ne veut pas dire que d’autres pans de la société ne soutiennent pas le chef de l’Etat. Les membres des élites, mais aussi les mineurs, entre autres, approuvent son action. Et il y a des nostalgiques de la dictature, pas dans le sens « bolsonarien » du terme, mais des gens qui se sont enrichis à cette époque et apprécient la stabilité de l’autoritarisme. Le Chili est un pays extrêmement clivé, socialement mais aussi politiquement.
Ce qui m’a le plus surpris finalement, c’est la puissance de la répression. Le chef de l’Etat parle de « guerre », pointe un ennemi intérieur… On est proche d’une rhétorique pinochienne où le « délinquant » a pris la place du « communiste ». Et là, nous ne mentionnons que le discours, mais les chars ont aussi été déployés dans les rues. La démocratie consolidée s’approprie les méthodes héritées de ses heures sombres.




