[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Agenda militant

    Newsletter

    Ailleurs sur le Web [RSS]

    Lire plus...

    Twitter

    Une première: en Meuse, des élus disent "non" à l’enfouissement des déchets nucléaires

    Bure écologie

    Lien publiée le 5 avril 2021

    Tweeter Facebook

    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://reporterre.net/Une-premiere-en-Meuse-des-elus-disent-Non-a-l-enfouissement-des-dechets-nucleaires

     non » à l'enfouissement des déchets nucléaires" src="https://reporterre.net/local/cache-vignettes/L720xH480/arton22590-187eb.jpg?1616690537" />

    De nombreuses communes — dont les plus concernées Bure et Mandres-en-Barrois — se sont opposées au projet d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo. Ces votes défavorables à la déclaration d’utilité publique constituent « un signal fort », estime un élu local.

    Région de Bure (Meuse), reportage

    Pluie, brouillard, neige, soleil. En ce long dimanche de fin d’hiver, la météo bouscule le sud meusien. Et le vent tourne aussi pour le laboratoire de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra), qui suscite localement une opposition croissante. « Ici, c’est une zone de guerre la moitié de l’année », lâche un habitant de la commune voisine de Bure. Mais la tension prend un tour nouveau en ce mois de mars. Les municipalités concernées par l’éventualité d’enfouir dans la région les déchets très radioactifs doivent prendre position à son propos. Or elles ont pour beaucoup rendu un avis défavorable à la déclaration d’utilité publique (DUP) de l’énorme projet d’enfouissement appelé Cigeo. En tout, vingt-quatre collectivités ont été invitées à voter, dont onze communes de Meuse et Haute-Marne, deux communautés de communes, six syndicats des eaux, les conseils départementaux de Meuse et Haute-Marne, et la Région Grand-Est.

    La commune de Bure est prise entre deux feux : d’un côté les opposants au centre d’enfouissement, de l’autre, l’Andra et son argent qui subventionne le territoire.

    À Bure, village de 82 habitants situé au cœur même du projet de l’Andra, le résultat des délibérations est tombé le 10 mars : c’est un « non » à l’unanimité, justifié par les nombreuses insuffisances de la DUP relevées par le conseil municipal. « La DUP minimise les risques encourus par le rejet des eaux de Cigéo […]. Cigéo s’approprie les routes, les chemins, sans concertations ni avis », indique le texte de la décision qu’a pu consulter Reporterre. Il s’agit d’une décision historique pour la municipalité, qui avait voté favorablement à l’installation du laboratoire de l’Andra, vingt ans plus tôt.

    « C’est la première fois que notre avis compte »

    Le village de Bure n’est pas seul à défier l’Andra. Mandres, Horville, Ribeaucourt, le Pays Barrois, plusieurs syndicats des eaux et assainissement : tous ont manifesté leur avis défavorable à la demande d’utilité publique (DUP) du projet. À Mandres (124 habitants), c’est même à l’unanimité que le conseil municipal a émis un avis négatif. « Je n’ai pas demandé à mes administrés de voter pour ou contre le projet Cigéo, dit le maire à Reporterremais en fonction de l’état actuel des connaissances autour du projet. Et le résultat est clair : il y a encore beaucoup trop de questions sans réponses. » Parmi les questions que se pose la municipalité, celles de la sécurité des populations et de la gestion des risques sanitaires : « La DUP est incomplète sur l’analyse de risques et des conséquences sanitaires en cas d’accident pour les habitants en hyper proximité », souligne notamment le conseil municipal.

    Délibérations à Mandres-en-Barrois.

    Des points déjà repris et critiqués par l’Autorité environnementale dans un avis rendu mi-janvier« On avait beaucoup communiqué auprès des mairies sur ce rapport plus qu’accablant. Le message est passé », constate Juliette, porte-parole du Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs (Cedra). Des votes défavorables jugés également « inespérés » par Dominique Laurent, élu de Bettancourt-la-Ferrée, petite commune de Haute-Marne, et porte-parole de l’association des élus opposés au projet d’enfouissement des déchets radioactifs à Bure (Eodra). « C’est la première fois, depuis l’installation du laboratoire, que les élus sont invités à voter sur le projet, dit-il. C’est la première fois que notre avis compte. » L’opposition est massive. « Le fait que deux des communes les plus concernées, Bure et Mandres, s’opposent à ce projet est un signal fort. » Un signal, très vite perçu par l’Andra : « À la suite du vote défavorable d’une commune proche de Cigéo, le chargé de mission de l’agence s’est rendu sur place pour remettre en question la décision des élus », dit un élu qui souhaite rester anonyme.

    L’enthousiasme modéré des communes favorables à la DUP

    Les communes ayant répondu défavorablement à la DUP ne sont pas les seules à sonner l’alerte. Les communes favorables ont en effet exigé des précisions sur de nombreux points : retombées économiques, risques pour la population, gestion des ressources comme l’eau, ou le bois. « Une surveillance de la santé des populations et des composantes environnementales (indépendante de l’Andra) doit être mise en place dès la phase pilote », requièrent les communes de Gondrecourt et Houdelaincourt, pourtant favorables à la DUP. À Cirfontaines, en Haute-Marne, c’est le sort des forêts qui inquiète : « La commune demande à ce que son secteur soit reboisé […] L’Andra s’est engagée à replanter les surfaces déboisées. »

    Les résultats des délibérations sont affichés sur les panneaux à l’entrée de la mairie de Cirfontaines.

    La région Grand-Est a également voté en faveur du projet Cigéo, mais non sans opposition. Le conseiller régional Antoine Homé a notamment pris la parole lors de l’assemblée régionale« Il faut être extrêmement prudents », estimait-il au sujet des promesses de réversibilité du projet. Il a évoqué les « fausses promesses » du centre de stockage de Stocamine, où 42.000 tonnes de déchets toxiques sont désormais piégées sous la surface. Une réalité qui pourrait, selon lui, se reconduire sur le site de Cigéo : « La solution n’est pas de dissimuler des déchets nucléaires, ils seront dangereux pour des milliers d’années […] et de notre point de vue, il sera impossible de les récupérer. »

    « On va retarder Cigéo au maximum »

    Une défiance à peine voilée, qui n’empêchera pas Cigéo d’aller à son terme. C’est en tout cas ce qu’a affirmé la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili à l’occasion de la réunion du Comité de haut niveau (CHN), le 16 mars, en présence des élus de la région, des départements de Meuse et Haute-Marne, et de plusieurs élus locaux. Réunis pour la première fois depuis de longs mois, en raison de la crise sanitaire, les élus censés piloter le projet ont avant tout manifesté leurs besoins de financements sur le territoire. Les deux départements touchent près de trente millions d’euros chacun et chaque année, et les élus craignent de perdre cette manne financière une fois le stockage en activité. Ces fonds sont destinés principalement au développement territorial, notamment aux infrastructures routières ainsi qu’aux aménagements des communes à proximité du site : travaux dans les mairies, éclairages publics, aires de jeux pour enfants... Ces investissements sont pourtant déconseillés par l’Autorité environnementale, qui juge qu’il faut limiter de nouvelles installations autour du site. « Une alternative pourrait consister à ne pas développer démographiquement le territoire potentiellement exposé aux risques sanitaires », précise-t-elle dans son avis.

    Dominique Laurent, élu Haut-Marnais, se réjouit des récentes prises de positions des élus locaux.

    Pour Dominique Laurent, cette focalisation de nombre d’élus sur les retombées économiques vient de leur manque de connaissances sur les volets techniques du projet. « Mais tant qu’ils se battent pour l’argent, le projet n’avance pas. C’est un retard qui est toujours bon à prendre ! » ironise-t-il. Un avis également partagé par un autre élu, qui préfère rester anonyme : « On ne peut pas empêcher Cigéo, alors on va le retarder au maximum. [Il faut] que le projet prenne neuf mois de retard par an. »

    Pour l’heure, toutes les délibérations concernant la DUP du projet Cigéo n’ont pas encore été publiées. La décision de la commune de Saudron notamment, n’a pas encore été rendue publique, et le vote du Syndicat du Pays Nord Haute-Marne est attendu pour la fin du mois de mars. « J’espère réussir à convaincre d’autres élus de s’opposer à la DUP », dit Dominique Laurent. L’ensemble de ces délibérations devraient être intégrées à la prochaine enquête publique, prévue pour le second trimestre 2021. L’Andra n’a, elle, pas encore officiellement réagi à ces différents résultats.