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Théâtres occupés : pas d’essoufflement après un mois de lutte
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le 4 mars, un premier groupe d’intermittents et de précaires entrait à l’Odéon dans le but d’y lancer une occupation. Plus d’un mois après, une centaine de lieux sont occupés en France et les salariés et précaires en lutte demandent toujours le retrait de la réforme de l’assurance chômage. A l’échelle nationale tout comme à l’échelle locale, la mobilisation continue de se structurer.
Avec plus de 100 occupations de lieux culturels (théâtre, scène de danse, opéras..) en France, voire dans les capitales européennes (Bruxelles, Rome), la lutte menée par le monde du spectacle et les collectifs de précaires s’est répandue comme une traînée de poudre en ce mois de mars.
Une étincelle aura suffi : le 4 mars, un petit groupe s’échappe d’une manifestation « Culture en colère », dont le mot d’ordre était la réouverture des lieux de spectacle, pour aller occuper le théâtre parisien de l’Odéon. Un tournant dans le mouvement de la culture puisqu’il place au cœur de la lutte non plus une revendication strictement corporatiste, mais bien le retrait de la réforme de l’assurance chômage – qui doit entrer en vigueur début juillet. Rapidement, les occupations essaiment. Le 19 mars, on en compte plus d’une soixantaine à travers la France.
Début d’une lutte
L’émulation est alors à son comble : des assemblées générales rassemblent plusieurs centaines de personnes dans les bâtiments occupés des plus grandes villes de France, partout on organise la lutte matériellement (« qui ramène les matelas ? »), on apprend à se connaître, on discute avec la direction du théâtre et on forme des commissions pour se répartir le travail. La bataille est sous le feu des projecteurs, Roselyne Bachelot rencontre les occupants de l’Odéon et, à Toulouse, même le maire de la ville contribue, malgré lui, à la visibiliser le mouvement en arrachant des affiches qui le mettent en cause.
Dans de nombreuses villes, les occupations se passent en bonne entente avec la direction des théâtres. « Ils nous soutiennent », affirme Nicolas Rougraff comédien depuis 15 ans à Toulouse. « Ça se passe bien avec eux », confirme Maud à Montpellier. « A l’Odéon, ils ne sont pas ravis qu’on soit là mais ils acceptent », indique quant à lui Joachim Salinger de la CGT spectacle. Au Grand Théâtre de Bordeaux, où les relations avec celle-ci se sont tendues, les occupants ont été évacués par la police municipale manu militari.
« Baisse de la fréquentation et hausse de la structuration »
Depuis, les choses ont évolué. D’abord, il y a eu le retour du confinement et son lot de contraintes. « A Toulouse nous limitons l’occupation à quinze personnes la journée et à 6 le soir », explique Nicolas Rougraff. A Montpellier, c’est 7 la nuit, à l’Odéon, une quarantaine. « Cela nous a poussé à multiplier les lieux de réunion, désormais certaines de nos commissions se réunissent à dans d’autres lieux culturels, nous avons tissé un réseau », ajoute Nicolas.
Et puis la fatigue. « Personnellement, j’ai la chance d’habiter à côté du théâtre et de rentrer chez moi régulièrement mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Une occupation, sur le long terme, ça use. Alors oui, aujourd’hui,la fatigue se fait sentir, même si on est toujours aussi motivés », affirme le comédien. Même topo chez Maud, militante au CIP (collectif intermittents et précaires) et engagée dans l’occupation du centre chorégraphique national de Montpellier : « Pendant trois semaines j’ai participé à l’occupation tous les jours, ces derniers temps j’y vais un peu moins mais je ne lâche rien. »
A Toulouse, les assemblées générales qui attiraient 300 personnes au début de l’occupation attirent moins de monde. Les simples curieux ne viennent plus. « Je pense que nous avons une baisse de la fréquentation mais une hausse de la structuration », analyse Nicolas.
Pourrissement
Un tel mouvement parviendra-t-il à faire tomber la réforme de l’assurance chômage ? Pour l’heure le gouvernement est loin de vouloir céder sur l’une des réformes emblématiques du quinquennat Macron. « Pour eux c’est absolument exclu. Même sur la prolongation de l’année blanche pour les intermittents, qui est une autre de nos revendications, ils ne veulent rien lâcher et faire du cas par cas au lieu de prolonger les droits pour tous », expose Joachim Salinger.
Face aux occupations, le gouvernement joue le pourrissement. « La remise du rapport Gauron, prévue fin mars, qui devait nous fournir des informations sur l’année blanche à été reportée », explique Joachim Salinger.
Un 23 avril pour converger
Les théâtres occupés se posent alors la question de l’augmentation du rapport de force. Aussi, depuis deux semaines, des rendez-vous de luttes hebdomadaires sont posés : les « vendredis de la colère ». Localement, on décide d’organiser des actions ponctuelles qui projettent la lutte hors des murs occupés. « Nous avons installé une fausse guillotine en centre ville et avons invité les passants à se faire guillotiner par des camarades déguisés en Macron et Borne », raconte Maud de Montpellier. « A Paris, nous avons occupé un bâtiment du ministère du travail et déployé banderoles et fumigènes contre la réforme de l’assurance chômage », résume Joachim Salinger. A Lyon, c’est un pôle emploi que les occupants de l’opéra et du Théâtre National Populaire de Villeurbanne ont choisi d’occuper pendant quelques heures.
« Désormais, l’enjeu c’est de faire converger toutes ces actions », avance Joachim Salinger. Pour ce faire, la date du 23 avril à été posée dans le paysage par la CGT. « L’idée c’est de créer une séquence allant du 23 avril jusqu’au 1er mai pour mettre la question de l’assurance chômage au cœur de la lutte le mois de mai », explique Joachim Salinger. Une manifestation interprofessionnelle aura ainsi lieu à Paris, en convergence avec d’autres secteurs professionnels. Une date que le gouvernement observera de près.