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Offensive contre Mélenchon : une nouvelle campagne d’intimidation après un tweet
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les médias et politiques se déchaînent à nouveau depuis hier contre Jean-Luc Mélenchon, après un tweet contre la journaliste Ruth Elkrief. Une véritable campagne d'intimidation qui instrumentalise à nouveau la lutte contre l’antisémitisme et tente de renvoyer dos-à-dos la France Insoumise et l'extrême-droite.
« ‘Vive Gaza’, ‘vive la résistance’, ‘génocide’ : est-ce que ce sont des mots qui encouragent à la paix civile ? », c’est par cette question particulièrement orientée que Ruth Elkrief débute sur LCI l’interview, dimanche 3 décembre, de Manuel Bompard, coordinateur national de la France Insoumise. S’en suit un interview particulièrement à charge contre la FI et son « clientélisme » pour obtenir un prétendu vote musulman.
Quelques heures plus tard, Jean-Luc Mélenchon réagit sur X (anciennement Twitter) : « Ruth Elkrief. Manipulatrice. Si on n’injurie pas les musulmans, cette fanatique s’indigne. Quelle honte ! Bravo Manuel Bompard pour la réplique. Elkrief réduit toute la vie politique à son mépris des musulmans. » L’occasion d’une nouvelle cabale maccarthyste entre instrumentalisation scandaleuse de la lutte contre l’antisémitisme et procès d’intention lunaire est trouvée.
Plusieurs “journalistes” (sic) de droite et d’extrême droite s’empressent alors de réagir. C’est le cas d’Eric Naulleau, qui se hâte à twitter pour donner le ton à ses confrères. Voilà donc Mélenchon devenu « d’une totale irresponsabilité et d’une parfaite ignominie. Cela revient à désigner Ruth Elkrief aux tueurs à couteau dont un représentant vient encore de donner la mort à Paris. Ce sont eux les fanatiques, ce mot a un sens ». Une déclaration scandaleuse, à côté de laquelle son comparse du groupe Bolloré, Pascal Praud, paraîtrait cette fois presque mesuré, quand bien même ce dernier dénonce une « attaque » « inadmissible » et un appel à la « condamnation » (sic) de « chaque journaliste de France [des] mots écrits par Jean-Luc Mélenchon sur son compte twitter à l’encontre d’une de nos consœurs les plus remarquables ».
Les « confrères » en question saisiront au bond la curée. Françoise Laborde (ex-France 2, ex-CSA) se presse à son tour de dénoncer un « tweet immonde ». Anne Rosencher, directrice de l’Express, chroniqueuse à France Inter, y voit, une nouvelle illustration d’une « période glaçante » dans laquelle « des républicains cherchent à provoquer l’angoisse et la terreur chez ceux qui n’ont pas l’heur de leur plaire ». La chaîne TF1 « déplore [de son côté] vivement les invectives odieuses et insinuations déplacées dont elle [Ruth Elkrief] est l’objet » tandis que Sylvain Attal (ex-Europe 1, LCI) se fait moins précautionneux : « Là, il devient urgent de mettre ce type hors d’état de nuire. Ses tweets sont des incitations au meurtre ».
La simple réaction du dirigeant de La France Insoumise à propos du traitement réservé à son organisation suffit pourtant difficilement à justifier des condamnations d’une telle violence. Face à la critique sur la partialité des médias, notamment ces derniers mois en faveur d’Israël et du génocide commis à Gaza, la parade est désormais connue, elle est répétée depuis le 7 octobre dernier sur fond de la criminalisation de la cause palestinienne et de ses soutiens. Or il se trouve que cette fois la cible des critiques de Mélenchon, Mme Ruth Elkrief est juive. Un prétexte mobilisé au service d’une nouvelle campagne d’instrumentalisation de la nécessaire lutte contre l’antisémitisme et de diabolisation cherchant à tirer un trait d’égalité entre le RN et la FI.
Suivront donc les accusations en antisémitisme. Judith Weintraub (le Figaro Magazine) lance le bal et s’essaie à imaginer un sous-texte : « Sans compter qu’elle appartient au lobby juif, n’est-ce pas ? ». Raphael Grably, rédacteur en chef adjoint de BFM Business, se fait plus frontal. « L’extrême-gauche (sic) cible Ruth Elkrief. L’extrême-droite cible Patrick Cohen. Arguments : “Ils sont secrètement payés pour vous manipuler, ils vous volent votre argent”. Ça ressemble beaucoup à du “dog whistle”… ». Le « rapprochement » est absurde. Appoline de Malherbe (BFM), Dominique Seux (les Echos, France Inter), Françoise Degois (Sud Radio) s’empresseront pourtant de le reprendre à leur compte.
Les politiques qui ne pouvaient pas passer à côté de pareille « affaire » décident alors de rajouter leur grain de sel. Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et figure dirigeante des Républicains, fait mine de s’inquiéter du « nouvel antisémitisme » que représenterait Mélenchon. Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, dénonce, lui, une « injure extrêmement grave » et explique que Mélenchon est « sorti du giron républicain. « Efface » ordonne enfin l’écologiste Marine Tondelier. Pour clore le week-end et cette surenchère en absurdie, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, annonce avoir placé Ruth Elkrief sous protection policière, expliquant « Mélenchon n’est pas le plus grand protecteur des juifs que je connaisse ».
De quoi rappeler que la « liberté de presse » revendiquée (quand ça leur chante) par les éditocrates et leurs soutiens politiques est bien souvent mobilisée au service d’un certain type de discours. On constatera la disproportion. Depuis des mois, en parallèle du matraquage à propos du soutien inconditionnel à Israël et de la droitisation (voire extrême-droitisation) des discours de « l’information », les adresses de soutien au peuple palestinien sur nos écrans se comptent sur les doigts d’une main.
Dans le même temps, sur les plateaux télé comme en politique, l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme continue d’avoir de beaux jours devant elle. Une instrumentalisation d’autant plus détestable que l’assimilation de toute critique d’Israël, et désormais donc d’une journaliste, à de l’antisémitisme constitue plus que jamais un jeu dangereux, à même de faire croître le véritable antisémitisme, et de salir une lutte vitale.
Cette offensive, venue de tous bords jusqu’à ceux de l’ancienne NUPES, souligne à nouveau la nécessité de faire bloc mais aussi de construire des mobilisations et des perspectives indépendantes des organisations du régime et de la gauche institutionnelle. Des mobilisations qui, dans les semaines à venir, doivent continuer à porter sur la solidarité avec la Palestine, contre la criminalisation de cette cause et plus largement contre le climat autoritaire et réactionnaire, dont la cabale contre Jean-Luc Mélenchon est une nouvelle expression.