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Les Palestinien·nes ont le droit de résister
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.contretemps.eu/palestiniens-droit-de-resister/
Depuis un an, le monde assiste à ce qui est sans doute le génocide le plus documenté de l’histoire de l’humanité. Dans la bande de Gaza, l’État colonial israélien a assassiné près de 42 000 Palestiniens, dont 16 756 enfants à la mi-septembre, et en a blessé et amputé environ 100 000, cela sans compter les milliers de Palestinien·nes présumé·es mort·es sous les décombres, ainsi que les « morts indirectes » dues aux maladies non soignées, à la famine et aux épidémies apparues en raison de la situation sanitaire. En calculant les « morts indirectes », la revue médicale britannique The Lancet estime à 186 000 le nombre des victimes palestiniennes au mois de juillet 2024, qui pourrait atteindre 335 000 à la fin de l’année.
En outre, 1,9 million de Palestinien·nes ont été déplacé·es dans le territoire de la bande de Gaza, soit 9 personnes sur 10. Selon les instances internationales, la situation humanitaire à Gaza est catastrophique. L’urbicide de ce territoire occupé de 365 km2 prend une dimension inédite. Gaza, ses habitants, ses infrastructures, sa vie culturelle, son économie, absolument tout est pris pour cible par la machine d’anéantissement israélienne.
Cette furie qui plonge Gaza dans l’horreur ne relève pas (uniquement) de la brutalité d’un homme – Benjamin Netanyahou – ni du caractère fasciste de l’actuel gouvernement israélien. Cette guerre est intrinsèquement liée à la nature coloniale de l’État israélien qui depuis sa création n’a cessé de déployer une violence à tendance génocidaire en Palestine, mais également au Liban et dans les pays voisins. Dès les années 1930, les milices sionistes ont chassé les Palestinien·nes de chez elles et eux, volé leurs propriétés, leurs vergers, etc., et étouffé violemment leurs résistances contre les usurpations et les persécutions. En 1948, elles ont vidé la Palestine des trois quarts de ses habitants autochtones, dépossédé les Palestinien·nes de leurs biens et détruit plus de cinq cents villages.
Si les voix palestiniennes ont dès la fin du 19ème siècle fait entendre leur opposition ferme au projet sioniste de colonisation de la Palestine, c’est à partir du milieu des années 1930, à mesure que s’accroît le grignotage de leur pays, que les Palestinien·nes s’engagent dans une résistance organisée, y compris par la voie de la lutte armée, contre l’occupation britannique et contre le projet sioniste, pour défendre leur droit le plus légitime à vivre sur leurs terres et à y édifier un État indépendant dans les frontières de la Palestine mandataire, de la mer au Jourdain.
Depuis au moins les années 1930 donc à nos jours, les Palestinien·nes résistent de toutes les manières qui soient pour défendre leurs droits inaliénables à leur autodétermination et à leur souveraineté nationale. Cette lutte séculaire a connu des flux et des reflux, mais ce qui est sûr c’est qu’elle a survécu à toutes les tentatives de son étouffement.
Cela étant posé, il ne fait pas de doute que l’agenda politique de Netanyahou entre en considération dans le prolongement et l’intensification de la guerre depuis près d’un an. Mais cet agenda recoupe les visées de l’État israélien : coloniser la Palestine, expulser ses habitants (par le nettoyage ethnique notamment) et détruire tout mouvement de résistance palestinien et régional qui menace ces fins. Cela avec le soutien constant de l’Occident libéral, impérialiste et raciste.
Si depuis un an, les spectaculaires mobilisations dans le monde pour la Palestine ont remis l’anticolonialisme et l’anti-impérialisme au centre des débats, il faut ici rappeler que la lutte du peuple palestinien n’est pas une lutte pour l’aide humanitaire. Elle est fondamentalement une lutte pour la décolonisation et la libération nationale. Elle est dès lors une lutte qui exige la solidarité avec la résistance palestinienne. Une solidarité qui bien sûr ne signifie pas de considérer justifiables les crimes de guerres commis dans le cadre de cette lutte.
De la même manière que la Résistance française menait une lutte légitime contre l’occupant nazi pour la libération de la France, de la même manière que le FLN conduisait un combat juste contre le colonialisme français pour la libération de l’Algérie, la résistance palestinienne mène une lutte juste et légitime contre l’État israélien pour la libération de la Palestine. Seule une telle lecture de la guerre coloniale en cours en Palestine, qui implique le soutien à la résistance palestinienne, respecte et l’humanité et la dignité des Palestinien·nes.
Dans cet article, Craig Mokhiber s’attache à démontrer en quoi la fable de l’autodéfense d’Israël répétée en boucle dans les médias occidentaux n’a aucune espèce de légalité du point de vue du droit international. Mais surtout, et toujours au regard du droit international, il rappelle que la résistance armée palestinienne est… légale.
***
L’une des révélations troublantes qui ont émergé depuis la phase actuelle du génocide en Palestine commencé il y a près d’un an, est le degré avec lequel les politiciens étasuniens et occidentaux sont prêts à souscrire consciencieusement au script fourni par Israël et ses lobbies occidentaux, que ce script soit vrai ou non. L’exemple le plus frappant est celui de la fable souvent répétée de la « légitime défense ».
Après chaque crime de guerre et crime contre l’humanité perpétré par Israël dans le cadre de son génocide actuel, le refrain le plus courant des représentants des gouvernements occidentaux (et des médias occidentaux) est qu’« Israël a le droit de se défendre ».
Non, Israël n’a pas le droit de se défendre.
En fait, sur le plan du droit international, il s’agit d’un double mensonge.
Premièrement, Israël n’a pas ce droit à Gaza (ni en Cisjordanie ni à Jérusalem-Est).
Deuxièmement, les actes que les allégations de « légitime défense » cherchent à justifier sont illégaux même si la légitime défense s’appliquait.
La Charte des Nations unies, un traité contraignant pour tous les États membres, codifie les principaux droits et responsabilités des États. Parmi ceux-ci figurent le devoir de respecter l’autodétermination des peuples (dont les Palestiniens), le devoir de respecter les droits de l’homme et le devoir de s’abstenir de recourir à la force contre d’autres États (lorsque cela n’est pas autorisé par le Conseil de sécurité). Au cours de ses 76 années d’existence, Israël n’a cessé de violer ces principes.
Une exception temporaire à l’interdiction du recours à la force est codifiée par l’article 51 de la Charte des Nations unies qui autorise la légitime défense contre des attaques extérieures. Mais il est important de noter qu’un tel droit n’existe pas lorsque la menace émane de l’intérieur du territoire contrôlé par l’État. Ce principe a été affirmé par la Cour internationale de justice (CIJ) dans son avis de 2004 sur le mur d’apartheid israélien. La Cour a statué à l’époque, et de nouveau dans son avis de 2024 sur l’occupation, qu’Israël est la puissance occupante du territoire palestinien occupé. En tant que puissance occupante, Israël ne peut donc pas invoquer la légitime défense pour justifier le lancement d’attaques militaires à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem-Est ou sur les hauteurs du Golan.
Bien sûr, [selon le droit international], Israël, depuis son propre territoire, peut légalement repousser toute attaque pour protéger ses civils, mais il ne peut pas invoquer la légitime défense pour mener une guerre contre les territoires qu’il occupe. En fait, sa principale obligation est de protéger la population occupée. À ce titre, une puissance occupante peut assumer des fonctions essentielles de maintien de l’ordre (distinctes des opérations militaires). Toutefois, étant donné que la CIJ a également estimé que l’occupation des territoires par Israël est en soi totalement illégale, ces fonctions de maintien de l’ordre sont très probablement illégales, sauf si elles sont strictement nécessaires pour protéger la population occupée et dans un délai très court après le retrait.
Dans son avis le plus récent, la CIJ a déclaré que la présence d’Israël dans les territoires violait le principe d’autodétermination, la règle de non-acquisition de territoire par la force et les droits de l’homme du peuple palestinien, et qu’il devait rapidement mettre fin à sa présence et indemniser le peuple palestinien pour les pertes subies. En droit, chaque botte israélienne sur le sol, chaque missile, jet ou drone israélien dans l’espace aérien palestinien, et même une seule bicyclette israélienne non autorisée sur une route palestinienne, constitue une violation du droit international.
En résumé, le remède légal d’Israël aux menaces qu’il prétend émaner des territoires occupés est de mettre fin à son occupation illégale, de démanteler les colonies, de quitter les territoires, de lever le siège et de céder totalement le contrôle au peuple palestinien occupé.
Le droit international n’est ici que le reflet du bon sens et de la morale universelle. Un criminel ne peut pas s’emparer de la maison de quelqu’un, s’y installer, piller ce qui s’y trouve, emprisonner et brutaliser ses habitants, puis invoquer la légitime défense pour les assassiner lorsqu’ils se défendent.
Au-delà de la Palestine occupée, si Israël a le droit de se défendre contre les attaques d’autres États, il ne peut revendiquer ce droit si l’attaque est une réponse à l’agression israélienne. Israël ne peut pas attaquer un État voisin (Liban, Syrie, Irak, Iran, Yémen, par exemple) et invoquer la légitime défense si cet État riposte. Accepter une telle affirmation reviendrait à renverser le droit international.
Ainsi, la plupart des déclarations des hommes politiques et des médias occidentaux selon lesquelles « Israël a le droit de se défendre » sont manifestement fausses, au regard du droit international.
Le deuxième mensonge contenu dans ces déclarations répétées est la suggestion qu’une revendication d’autodéfense justifie la myriade de crimes commis par Israël. Le droit international ne permet pas de justifier des crimes contre l’humanité et des génocides au nom de la légitime défense. Cette dernière ne justifie pas non plus d’outrepasser comme par magie les impératifs de précaution, de distinction et de proportionnalité du droit humanitaire international, ni le statut protégé des hôpitaux et autres installations civiles vitales.
En outre, la présence de personnes associées à des groupes de résistance armés (même si elle est prouvée) ne transforme pas automatiquement un lieu civil ou une structure protégée en une cible militaire légitime. Si c’était le cas, la présence courante de soldats israéliens dans les hôpitaux israéliens ferait également de ces derniers des cibles légitimes. Attaquer des hôpitaux n’est pas un acte d’autodéfense. C’est un acte de meurtre et, dans les cas systématiques et à grande échelle, un crime d’extermination.
L’argument de la légitime défense ne justifie pas les punitions collectives, le siège des populations civiles, les exécutions extrajudiciaires, la torture, le blocage de l’aide humanitaire, le ciblage des enfants, le meurtre des travailleurs humanitaires, du personnel médical, des journalistes et des fonctionnaires de l’ONU, autant de crimes perpétrés par Israël au cours de la phase actuelle de son génocide en Palestine. Tous ces crimes ont été suivis sans vergogne par des déclarations d’autodéfense de la part des défenseurs d’Israël en Occident.
Ainsi, chaque réponse d’un politicien ou d’un média dominant à un crime israélien qui commence par « Israël a le droit de se défendre » est à la fois une justification de l’injustifiable et un mensonge éhonté – et doit être dénoncé comme tel.
En outre, vous n’entendrez jamais ces voix dire que la Palestine a le droit de se défendre, même si, en vertu du droit international, c’est absolument le cas. Enracinés dans la Charte des Nations unies, dans le droit international humanitaire et des droits de l’homme, et affirmés par une série de résolutions des Nations unies, les groupes de résistance palestiniens ont un droit légal à la résistance armée pour libérer le peuple palestinien de l’occupation étrangère, de la domination coloniale et de l’apartheid.
Et le monde entier est d’accord avec cela. L’Assemblée générale de l’ONU a déclaré:
« le droit inaliénable (…) du peuple palestinien et de tous les peuples soumis à l’occupation étrangère et à la domination coloniale à l’autodétermination, à l’indépendance nationale, à l’intégrité territoriale, à l’unité nationale et à la souveraineté sans ingérence étrangère » et a réaffirmé « la légitimité de la lutte des peuples pour l’indépendance, l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la libération de la domination coloniale, de l’apartheid et de l’occupation étrangère par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée ».
Bien sûr, toute résistance doit respecter les règles du droit humanitaire, y compris le principe de distinction pour épargner les civils. Mais, en vertu du droit international, le droit de la Palestine à la résistance armée contre Israël est désormais axiomatique.
En d’autres termes, le peuple palestinien a un droit légal reconnu de résister à l’occupation, à l’apartheid et au génocide d’Israël, y compris par la lutte armée. Et puisque la résistance est légale, les alliances, l’aide et le soutien aux Palestiniens à cette fin sont également légaux.
Inversement, l’occupation, l’apartheid et le génocide israéliens étant illégaux, le soutien apporté à Israël par les États occidentaux dans ces domaines est illégal. En effet, la CIJ a estimé que tous les États sont tenus de mettre fin à ce type de soutien à Israël et d’œuvrer pour mettre fin à l’occupation israélienne.
Encore un point sur la notion d’autodéfense. L’histoire n’a pas commencé le 7 octobre 2023. Dans les années 1930 et 1940, des colons sionistes sont venus d’Europe pour attaquer des Palestiniens dans leurs maisons en Palestine. Aucune milice palestinienne ne s’est rendue en Europe pour attaquer les colons chez eux, en Angleterre, en France ou en Russie. (Bien entendu, les Juifs fuyant les persécutions européennes avaient tout à fait le droit de demander l’asile en Palestine et ailleurs. Mais les Sionistes n’avaient pas le droit de coloniser la terre et de déposséder les populations autochtones).
Depuis plus de 76 ans, Israël attaque, brutalise, déplace, dépossède et assassine le peuple palestinien autochtone, et cherche à l’effacer. Il a procédé au nettoyage ethnique de centaines de villes et de villages palestiniens, volé des maisons, des entreprises, des fermes et des vergers palestiniens, et détruit les infrastructures civiles palestiniennes. Chaque communauté palestinienne a subi des atteintes quotidiennes à sa dignité, des arrestations, des passages à tabac, des tortures, des pillages et des meurtres de la part d’Israël. Les survivants ont été contraints de vivre sous un régime d’apartheid et de ségrégation raciale et dans le déni systématique de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels sur leur propre terre.
Tous les efforts pacifiques déployés par les Palestiniens pour mettre fin à l’oppression et recouvrer leur droit à l’autodétermination, par le biais d’initiatives diplomatiques, d’actions judiciaires, de protestations pacifiques ou de boycotts et de désinvestissements organisés, ont été réprimés ou rejetés, non seulement par Israël, mais aussi par ses soutiens occidentaux.
Dans ce contexte, la morale élémentaire et la simple logique dictent que le droit à l’autodéfense appartient au peuple palestinien, et non à son oppresseur. Et le droit international est d’accord avec cela.
*
Craig Mokhiber est un avocat international spécialisé dans les droits de l’homme et un ancien haut fonctionnaire des Nations unies. Il a quitté l’ONU en octobre 2023, après avoir rédigé une lettre dans laquelle il mettait en garde contre un génocide à Gaza et appelait à une nouvelle approche de la question palestinienne fondée sur la justice, l’égalité, les droits de l’homme et le droit international.
Cet article est initialement paru sur le site de Mondoweiss.
Illustration : « Les enfants des pierres », 1984. Tableau d’Ismail Shammout, peintre palestinien.