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L’histoire nous rattrape toujours

Par Serge Michel (11 mai 2020)
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Revenons un peu en arrière.

Avant le confinement.

Oui c’est une tâche difficile. Difficile de se rappeler exactement nos préoccupations collectives et individuelles, de bien appréhender ce qu’était alors la situation politique.

Personnellement ce qui occupait mon esprit c’était le mouvement des Gilets Jaunes, la lutte contre la réforme des retraites. Je constatais que même si ces mouvements étaient puissants, ils n’arrêtaient pas la machine politico-médiatique qui nous gouverne. Et voilà que cette machine est plus que ralentie,  comme nous tou.te.s par un évènement que quasi-personne n’avait vu venir.

Quasi-personne ?

Pourtant, il n’y a là rien que la confirmation que ce l’extrême gauche affirme depuis longtemps : le capitalisme est plus fragile qu’il n’y paraît, il rentre régulièrement en crise (c’est dans sa nature), et ces crises sont l’occasion de contester la légitimité de son pouvoir économique et de son État qui nous entraîne vers le fond. Le double pouvoir fait partie du vocabulaire cher aux marxistes qui ne se sont pas réfugiés – un comble pour un marxiste – dans le “ciel des idées”.

Une analyse matérialiste de notre “nouvelle” situation pourra acter que tout était en place avant l’arrivée du virus. Les économistes marxistes savent que la récession économique était déjà là avant. La crise de l’impérialisme américain est visible depuis plusieurs années.

L’affaiblissement des systèmes de santé est une entreprise ancienne qui commençait à racler l’os à vif des services publics. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des échanges et des économies inter-imbriquées fragilisant les chaînes de production (et dépendant de la Chine) ne date pas d’hier, et l’on constate chaque année une accélération du processus.

Mes lectures anticapitalistes, éco-socialistes, décroissantes, libertaires, troskystes ne manquaient pas non plus de considération pour les catastrophes écologiques en cours liées à une course à la croissance infinie à tout prix. On peut trouver facilement dans la littérature écologiste de gauche qu’une des conséquences du réchauffement climatique sera la fonte du permafrost et des terres gelées ce qui devrait faire un effet boule-neige pour la quantité de CO2 dans l’atmosphère mais aussi libérer une grande quantité de bactéries et de virus que nous ne connaissons pas – et nos systèmes immunitaires non plus.

Phénomène psychologique connu mais toujours amusant, maintenant que nous sommes confiné·e·s nous trouvons partout des signes et écrits qui nous sautent aux yeux en nous annonçant tous ces faits : nulle coïncidence mais peut être une accélération. Le virus comme étincelle d’un gros tas de poudre sécrété par un capitalisme minant sa base, c’est-à-dire nous. C’est que les marxistes répètent parfois trop souvent, moi le premier.

Oui mais voilà : il n’y a pas plus forte démonstration marxiste que la réalité.

Or que nous dit la situation actuelle ? Que lorsque certaines productions sont à l’arrêt, la richesse n’est plus produite et alors les PIB les bourses et c’est toute l’économie capitaliste qui risque de s’écrouler au bout d’une semaine. Alors, les capitalistes doivent sauver leur main d’œuvre tout en la remettant au travail… sinon il en est fini de leur système d’exploitation. Au fond toutes celles et ceux qui croient à la nécessité de se débarrasser de la toxicité du capitalisme devraient comprendre que leurs thèses étaient les plus réalistes et par conséquent les plus prédictives. Bref nous avions raison. Et ce n’est pas un détail.

 Les experts et éditocrates de plateaux télé ne peuvent s’empêcher de se moquer de cette tendance de chacun·e à se voir confirmer dans ses thèses : plus d’Europe, plus de coopération internationale, plus d’écologie, moins de marché, plus de protectionnisme, etc. Mais qui oserait dire qu’il faut plus de marché, plus d’échanges, plus de pétroles, plus de santé privé, etc ?

Malgré les découvertes hypocrites de Macron (sur “les jours heureux”), est confirmé ce que les marxistes et Naomi Klein pouvaient dire : en période de catastrophe et de choc, les capitalistes déroulent en réalité leur programme.  Suppression de lits dans les hôpitaux, accroissement des moyens de la police (le chef de l’ARS grand-est offrait ce spectacle grandiose que le préfet Lallement peut également donner, celui de dire clairement qu’il y a une guerre de classe), déploiement de moyens massifs pour rémunérer les grands actionnaires, etc.

Il ne manque pas de chef de clinique privée sur un plateau télévisé pour déclarer que nous dépensons plus que les Allemands dans notre système de santé moins efficace car trop tourné vers l’hôpital public, et que cet argent serait bien mieux investi et géré dans, par exemple, des cliniques.

Autrement dit : tout est changé et rien n’est changé. On a assez dit qu’une crise était l’occasion pour le Capital d’avancer (la stratégie du choc). Il faut maintenant montrer que la normalité du Capital, le pas en avant qu’il effectue en tirant la société avec lui, est un pas en avant vers le gouffre.

Ces idées hantent tellement les sociétés européennes qu’on peut s’attendre à une poussée électorale des écologistes (qui était déjà là) mais aussi de tout ce qui conteste le système radicalement. Faut-il vous dire que Philippe Poutou au deuxième tour d’une élection municipale est une nouveauté ? Mais cette expression d’une poussée potentielle vers la gauche n’est en rien ni consolidée ni un but en soi.

Dans le même temps, la tentation d’une gauche “plurielle” façon Jospin se recrée en France, notamment avec le PS.

Oui, ce même PS qui flinguait le code du travail avec la loi El Khomri, les déclarations autoritaires de Valls, la surenchère raciste se Hollande… Oui ce même PS qui déclare aujourd’hui sa bonne foi frelatée et opportuniste, qui condamne aujourd’hui ce qu’il a aidé à construire hier. Et le PC, les Verts et tous leurs alliés d’hier qui ont eux aussi fait plus qu’avaler des couleuvres, eux aussi ont activement participé à la droitisation du pays et à la destruction du mouvement ouvrier et des droits des salariés.

Faut-il dire que cette nouvelle alliance est catastrophique et que les mêmes causes produiront les mêmes effets ? Hier ils ont trahi, demain ils trahiront encore. Il faut le dire. Cela n’empêche pas de discuter et de lutter avec les militant.e.s sincères de ces courants qui sont persuadé.e.s d’être dans le vrai car ils/elles sont dans le “possible”, le “raisonnable” alors que nous sommes des “utopistes”, des “radicaux/ales”, des “violent.e.s”, des “fanatiques”… Ou encore – le comble ! – nous ne voudrions pas le pouvoir.

C’est toujours drôle de dire à un.e communiste révolutionnaire ou à un.e communiste libertaire qu’iel ne veut pas le pouvoir car précisément iel veut le pouvoir pour tou.te.s.

Disons le : alors que Macron rejoue la monarchie absolue dans ses errances, alors que sa femme veut vendre le mobilier national aux enchères (il semblerait que la loi ne le permette pas), la disparition du pouvoir et des hiérarchies est une urgence. L’hôpital géré par ses soignant.e.s, les ateliers bénévoles et sans chef.fe.s nous le montrent ici et maintenant.

Mais il ne suffit pas d’être Cassandre. Il faut montrer les effets et les causalités tout de suite.

Faire de la politique complète liant passé, présent et futur ; discutant théorie et concret ou plutôt montrant comme les deux sont inséparables. C’est l’une des grandes leçons de la dialectique matérialiste.

 Pourquoi un tel succès de la collapsologie ? Parce que les effondrements du capitalisme sont omniprésents, mais ces effondrements n’ont pas encore empêché le Capital d’apparaître comme tout puissant. D’où une certaine tendance politique à l’échelle mondiale vers l’extrême-droite, c’est-à-dire vers une radicalisation du capitalisme.

On pourrait penser que l’extrême-droite pourrait tenir compte de la réalité écologique très dégradée qui est la cause de toutes ces crises, mais ce n’est pas le cas. Aux échelles mondiale et nationale l’extrême droite est la garante de l’ordre actuel et non pas d’une vision effondriste.

Aux États-Unis, au Brésil, en Europe, elle est essentiellement un hyper conservatisme négationniste. Il faudrait conserver le même mode de vie : raciste, capitalisme, inégalitaire, polluant, etc…

Nier le réchauffement climatique dit quelque chose de la nécessité politique et sociale de créer l’irresponsabilité du capitalisme.

Mais qui dira que la suppression des lits d’hôpitaux était “naturelle” ? Que les avions venant de Wuhan ne consommaient pas de pétrole (y avait-il 4 vols quotidiens Paris-Wuhan il y a dix ans et il y a 20 ans) ?

Voilà d’ailleurs pourquoi l’extrême droite peut occasionnellement se distinguer en mettant en avant un discours purement opportuniste de défense des soignant.e.s voire des services publics. Mais bien sûr c’est contre le “mondialisme” (l’extrême droite actuelle n’emploie pas le mot capitalisme c’est significatif) ou bien contre les Chinois ou les nations voisines qu’elle se déchainera.

Il faut contrer ce discours en rappelant que l’extrême droite est partie prenante dans la dégradation actuelle, dans la guerre de tou.te.s contre tou.te.s que nous subissons déjà, qu’elle est une version exacerbée de ce système-catastrophe. Car la catastrophe c’est le Capital !

Le recours aux grosses ficelles de la propagande par le système actuel (ne pas parler de ce qui fâche, couper au montage pour faire croire que les soignant.e.s applaudissent le président là où il y a été accueilli par des insultes), son autoritarisme croissant, son flicage jamais atteint nous montre non seulement ce que l’extrême droite pourrait faire (de façon plus radicale) mais ne doit pas amoindrir notre discours et notre politique.

Nous devons constater et le faire constater, sans orgueil et sans morgue :  le capitalisme c’est le règne des criminels irresponsables, prêts par exemple à laisser s’ installer une pénurie de masques avant de les vendre dix fois plus cher qu’avant la crise.

Mais la dénonciation, si elle est importante, n’est pas suffisante.

Notre appareil intellectuel, nos traditions d’analyse et de réflexion, vivant, évoluant, relisant à l’aune des enjeux actuels, doit nous donner une nouvelle confiance : le roi est nu ou plutôt, nous sommes potentiellement tout. Chaque atelier de création de masques, chaque assemblée générale dans un hôpital, chaque déclaration de droit de retrait d’un·e enseignant·e, réaffirme notre centralité.

Le salariat peut tout assumer, il ne sera jamais aussi nul et criminel que les élites capitalistes et leurs adjoints fascisants qui attendent leur heure, qui à chaque décision favorisant leurs profits accroissent les malheurs présents et futurs, non pas pour eux mais pour tou·te·s.

Ils se croyaient tellement forts, ils nous prouvent qu’ils sont installés sur un trône qui branle déjà, secoué à chacun des typhons qu’ils créent.

Il nous appartient de renverser le trône, cela a déjà été fait, réfléchissons et agissons.

Le temps presse.

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