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Covid-19 : les femmes en première ligne

Par Calie Autieri (26 mars 2020)
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Article publié sur le site internet du NPA

La crise sanitaire qui nous touche met en avant de manière saillante les inégalités qui traversent la société. Quand les cadres peuvent télé-travailler, les plus précaires continuent à aller au travail, à s’exposer au virus, mais aussi aux contrôles et à la répression. Au-delà du rapport de classe évident, les inégalités de genre sont décuplées également et les femmes se retrouvent en première ligne pour gérer la pandémie. 

Le travail reproductif pleinement exposé

Alors que l’irresponsabilité du Gouvernement dans sa gestion de la crise n’est plus à démontrer et que tout le matériel nécessaire à la protection et à la sécurité des travailleurs.ses et plus généralement de toute la population fait cruellement défaut faute d’anticipation, les métiers liés à la reproduction sociale (soin, ménage…) se retrouvent sévèrement exposés au virus et à des conditions de travail intenables.

Parmi ces femmes en première ligne, les infirmières, qui s’occupent des patient.es infecté.es par le virus, dans un contexte de pénurie de masques et de protection, de pénurie de respirateurs, qui rendent le travail des soignant.es encore plus anxiogène. Elles ne comptent plus leurs heures de travail : anxiété, rythme de travail décuplé, absence de pause, impossibilité de décrocher du travail une fois la journée terminée, stress d’exposer sa famille au virus quand le foyer représente le premier vecteur du virus en période de confinement… le tout pour un salaire trop bas. Les directions des hôpitaux gèrent la crise de manière inégale : certaines s’efforcent, avec les moyens qu’elles ont, de rendre le travail de chacun.e moins insupportable quand d’autres réservent par exemple les masques les plus performants aux personnels de directions, laissant les soignant.es en contact direct avec les patient.es, dont les infirmières, avec des masques moins efficaces.

Les conditions de travail pour les infirmières sont d’autant plus lourdes et difficiles qu’elles s’inscrivent dans une logique de casse des services publics et notamment des hôpitaux, qui dure depuis des années et qui a vu notamment diminuer les effectifs dans tous les services. Reconnaître l’infection par le Covid-19 comme maladie professionnelle pour les soignant.es était la moindre des choses, mais encore aurait-il fallu les protéger avant. Pour cela, il aurait fallu tirer les leçons de ce qui se passait en Chine et en Italie, réagir plus vite en privilégiant la sécurité des travailleurs.ses sur le fonctionnement des entreprises et les marchés, pour éviter de surexposer des travailleur.ses au virus. Les infirmières, déjà épuisées, vont devoir faire face en France, comme ailleurs, au pic de la pandémie alors qu’elles travaillent déjà beaucoup trop. Épuisement physique et psychologique, en plus du risque accru de contamination, seront autant de graves séquelles de cette crise sanitaire.

Mais dans les hôpitaux, les femmes sont aussi très nombreuses parmi les agent.es d’entretien, elles et eux aussi très exposé.es au virus dans des conditions matérielles catastrophiques. Au CHU de Nantes par exemple, les personnels d’entretien de la société Onet santé ont exercé leur droit de retrait le lundi 16 mars. Les agent.es, des femmes non blanches pour la très grande majorité, dénonçaient notamment le manque de désinfectant, qui leur faisait défaut depuis deux semaines déjà. Dans un contexte de difficulté de garde d’enfants, leurs conditions de travail étaient d’autant plus dégradées. Elles interviennent dans les salles d’attentes, les blocs, les halls, les salles de consultation ou encore en gériatrie face aux personnes les plus exposées, sans matériel de protection adapté. Face à la crise sanitaire, les agentes ont décidé de reprendre le travail dès le mardi, alors que 32 personnes étaient en grève le mardi, et avec l’idée de reprendre le mouvement ensuite.

De même pour les ATSEM et les assistantes maternelles qui ont, pour les premières, assuré le ménage des écoles après le premier tour des élections municipales puis accueilli des enfants le lundi 16 au matin sans protection pour ensuite être réquisitionnées pour travailler dans les EPHAD, auprès des populations les plus à risque. Les Assistantes maternelles sont quant à elles réquisitionnables pour garder les enfants des personnels soignant.es. Si ces mesures, nécessaires pendant la crise, peuvent se comprendre, l’absence de protection suffisante pour les travailleuses est proprement criminelle. Comme les caissières, qui côtoient tous les jours un grand nombre de personnes sans protection suffisante et parfois sans protection aucune, elles sont les personnes les plus exposées au virus et les plus oubliées des « mesures » déjà insuffisantes du gouvernement.

Or, l’exercice du droit de retrait dans les secteurs de la reproduction sociale est particulièrement difficile : il s’agit de secteurs où les femmes prennent soin des autres, où les tâches qui leurs incombent permettent aux autres de vivre mieux ou de pouvoir travailler dans de bonnes conditions. Souvent, l’idée même de se mettre en grève génère une forme de culpabilité, il s’agit presque d’un tabou dans des sociétés qui comptent sur une partie de leur population pour prendre soin des autres.

Pourtant, outre la précarité qui touche souvent les métiers « féminisés », la crise sanitaire actuelle légitime pleinement l’exercice du droit de retrait, quand la sécurité des travailleur.ses n’est absolument pas assurée.

Il faut informer les travailleuses de leur droit, les accompagner dans leurs luttes et démarches. Ce travail est d’abord celui des organisations syndicales dans chaque secteur qui ont une responsabilité énorme en cette période de crise. Il faut produire des outils d’information, assurer la protection des salarié.es, les soutenir et surtout exiger du gouvernement les mesure de sécurité et de protections nécessaires. La période de crise n’est pas l’extinction des luttes, elle révèle au contraire toutes les inégalités qui traversent nos sociétés et elle doit être un moment de lutte et de vigilance accrues.

Le repli sur la répartition genrée des tâches domestiques

Mais le confinement, c’est aussi pour les femmes assurer plus que jamais les tâches domestiques qu’elles assurent déjà pour la grande majorité d’entre elles, mais auxquelles s’ajoute la charge des enfants à plein temps. Avec la fermeture des écoles et la mise en place des « classes à la maison » dans le contexte de la continuité pédagogique, les enfants sont supposés continuer à travailler, recevoir des devoirs, avec l’aide des parents. Une charge supplémentaire pour les femmes, travailleuses ou non par ailleurs.

Pour les mères célibataires, la tâche est clairement insurmontable : assurer un travail depuis chez soi ou s’occuper de toutes les tâches d’un foyer, parfois de ses voisins, des personnes de son immeuble, et faire la classe ou assurer le suivi pédagogique de ses enfants… Le confinement est clairement inégalitaire ! 

Violences conjugales et prise en charge des femmes

Mais rester confiner, pour les femmes, c’est aussi possiblement rester enfermée avec un conjoint violent. La question des violences est décuplée par la situation de confinement, tant les moyens pour fuir un conjoint violent sont difficiles. Le huis clos peut aussi s’avérer être un révélateur ou accélérateur de violences dans certains foyers : ennui, consommation d’alcool plus grande… sont autant de mélanges explosifs et très dangereux dont les femmes, comme les enfants, vont être les premières victimes. Outre les hôpitaux surchargés, les procédures – déjà complexes en temps normal – sont quasiment impossibles à mettre en place. Si Marlène Schiappa a annoncé que l’éviction du conjoint serait systématique dans les cas de violences conjugales, la réalité est de loin bien plus sombre. Les plateformes d’aide reçoivent beaucoup de demandes d’ordonnances de protection pour évincer le conjoint violent. Mais dans la pratique, comment envoyer les dossiers ? Par mail ? Comment être sûr qu’ils arrivent à la personne demandeuse ? Il faut des moyens pour mettre en place les séances et dispositifs d’aide, qui n’ont pas vraiment été débloqués. Il faut aussi des certificats médicaux pour les demandeuses, qu’ils soient valables par mails, que quelqu’un constate les violences physiques, évalue le stress post-traumatique… le tout sans contact physique. C’est mission impossible. Sans compter que dans les cas où la procédure aboutirait, se pose la question de savoir où le conjoint violent peut être « évincé ».

Là encore comme pour les hôpitaux et les services publics en général, la crise agit comme un révélateur du manque de moyens alloués à la question des violences sexistes et sexuelles. Pourtant, les féminicides sont de plus en plus dénoncés, les journées des 23 et 25 novembre ont révélé à quel point la population comprends et rejette les effets du patriarcat sur les femmes. Les mesurettes prises par le gouvernement sont loin d’être à la hauteur et la crise sanitaire pourrait compter aussi les femmes mortes sous les coups de leur conjoint.

Le confinement et la restriction d’accès aux associations, tout comme la restriction de leur ouverture, pose aussi problème pour l’accès à l’IVG. Certains établissements hospitaliers et certains centres de planification n’assurent plus leurs missions dans ce domaine, et l’IVG instrumentale se voit entravée par la fermeture des créneaux de bloc opératoire, mais aussi par le manque de matériel de protection pour le personnel d’accueil et soignant. De même, les centres pratiquant l’IVG médicamenteuse ferment pour protéger leurs salarié.es. Sans compter la crainte de certaines femmes de se rendre dans les hôpitaux en pleine épidémie. Vu la situation et vu les délais d’attente, certaines femmes pourraient renoncer à exercer leur droit ou bien se retrouver hors du délai légal pour avorter. La demande d’allongement du délai déposée la semaine dernière dans un amendement au Sénat a été rejetée par une majorité de sénateurs.

Il est important de rappeler aux femmes tous les droits dont elles disposent mais il faut surtout exiger que tous les moyens pour assurer ces droits fondamentaux et urgents soient déployés. Le gouvernement a montré que ces moyens existent, encore faut-il les déployer pour les secteurs qui en ont vraiment besoin et non dans le souci du maintien des intérêts capitalistes !

Après la crise : les femmes plus durement touchées

L’après Covid-19 sera d’autant plus dur pour les femmes également. Avec le développement du chômage, conséquence immanquable de la crise, les femmes qui sont entrées au foyer pendant le confinement vont, pour une certaine partie d’entre elles, y rester, ce qui va faire perdurer voire décupler les difficultés déjà existantes. Plus précaires, dans un système capitaliste qui fait la chasse aux pauvres, elles vont devenir la variable d’ajustement d’un gouvernement bien plus occupé à servir ses propres intérêts.

Il est urgent de nous organiser pour faire entendre les revendications féministes qui sont de plus en plus massives et visibles en France, pour faire valoir les droits des femmes. Organiser la solidarité à la base est nécessaire, mais nous organiser entre nous pour lutter l’est tout autant, pour aider les femmes, les travailleuses pendant la crise, mais aussi pour construire l’après-crise, qui pourrait voir reculer des droits fondamentaux. Alors que la question de la grève féministe a été portée à l’occasion du 8 mars, il faut la renforcer et continuer nos luttes !

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