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    «Key Labs» au CNRS : un projet élitiste et destructeur pour la recherche publique

    Par Victor Müller, Lucas Battin (28 janvier 2025)
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    L’annonce par Antoine Petit, président-directeur général du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de la création des « Key Labs » s’inscrit dans une logique néolibérale visant à accentuer la concentration des ressources sur une poignée de laboratoires prétendument « phares ». Derrière le discours de compétitivité internationale, de pseudo-excellence, et de visibilité, cette réforme cache une attaque frontale contre l’idée même d’une recherche publique, libre et égalitaire. Ce projet renforce les inégalités au sein du système de recherche français, accentue la mise en concurrence des laboratoires, et aligne encore davantage la science sur les intérêts du capital.

    Un projet élitiste qui aggrave les inégalités

    Les « Key Labs » viseront à concentrer les moyens humains, financiers et technologiques sur environ 25 % des unités mixtes de recherche (UMR), au détriment de l’immense majorité des laboratoires. Sous prétexte de créer des « masses critiques » capables de rivaliser sur la scène internationale, cette réforme aggrave les disparités déjà existantes entre laboratoires bien dotés et ceux qui peinent à maintenir leurs activités dans un contexte de sous-financement chronique et critique.

    Cette logique de sélection accentue la marginalisation des structures de recherche moins visibles ou moins « rentables » selon les critères imposés par une prétendue la compétition internationale. Pourtant, ces laboratoires jouent un rôle essentiel dans l’écosystème scientifique, notamment dans la recherche fondamentale et les domaines moins prisés par les intérêts privés ou les sujets dominants. En abandonnant ces unités à leur sort, le CNRS sacrifie une partie essentielle de sa mission au service du progrès global des connaissances.

    Une réforme au service du néolibéralisme et de la marchandisation de la science

    La réforme des Key Labs n’est pas un simple ajustement budgétaire : elle s’inscrit dans une offensive plus large visant à aligner la recherche publique sur les intérêts du capitalisme. En favorisant les unités capables de répondre rapidement aux « défis de la compétition internationale », le CNRS se plie aux exigences de rentabilité à court terme imposées par le marché.

    Les laboratoires étiquetés « Key Labs » auront vocation à attirer encore plus de financements privés et à développer des partenariats industriels. Cette logique transforme progressivement les scientifiques en sous-traitants des grandes entreprises, détournant leurs travaux des besoins de la société pour les mettre au service de la production de profits. Cela va à l’encontre des intérêts des travailleurs/ses, qui ont besoin d’une recherche orientée vers des problématiques sociales, écologiques et collectives. La réforme s’inscrit dans la logique capitaliste, mettant toujours plus en compétition des chercheurs et des chercheuses, les transformant en entrepreneurs/ses de la recherche alors que la coopération et le financement pérenne sur le (très) long terme sont deux clés essentielles d’une recherche de qualité. Enfin, cette réforme permettra de faire des économies : les postes dans les laboratoires de seconde zone ne seront pas renouvelés, notamment pour tous les postes de soutien à la recherche (administratif/ves, techinicien-nes, ingénieur-e-s).

    Un coup porté à la mission des universités

    La création des « Key Labs » pénalise directement les universités dans leurs missions fondamentales d’enseignement et de recherche. En concentrant les financements et les moyens sur une fraction des laboratoires, cette réforme affaiblit encore plus les autres structures universitaires, qui se retrouvent dépourvues de ressources suffisantes pour mener des recherches de qualité ou pour proposer des enseignements basés sur des travaux scientifiques innovants.

    De plus, les universités, qui jouent un rôle essentiel dans la formation des étudiants et la transmission des savoirs, risquent de perdre leur capacité à associer recherche et pédagogie. La fracture entre laboratoires « phares » et laboratoires « oubliés » se traduit par une déconnexion croissante entre l’enseignement universitaire et les avancées scientifiques, ce qui nuit directement à la qualité de la formation des étudiants. Souvent, les unités mixtes de recherches (UMR1) des plus petites universités (souvent en région) ont des difficultés de financement, le désengagement du CNRS sera catastrophique.

    Enfin, cette concentration des moyens dans des « Key Labs » menace l’ancrage territorial des universités. Les laboratoires en dehors des grandes métropoles risquent d’être progressivement marginalisés, affaiblissant ainsi la capacité des universités régionales à jouer leur rôle moteur dans la vie locale.

    Cette réforme vise donc aussi à consolider la construction d’un ESR à deux vitesses : de gros mastodontes, « compétitifs », avec une recherche de premier rang et une formation très sélective, et des établissements de seconde zone, servant presque uniquement à former une main d’œuvre adaptée aux nécessités du « bassin d’emploi », autrement dit, aux nécessités du capital.

    Une nouvelle attaque contre la démocratie scientifique

    Le choix des laboratoires sélectionnés comme « Key Labs » se fait de manière totalement opaque, sans concertation avec la communauté scientifique, ce qui reflète une gouvernance autoritaire et technocratique. En recentrant les décisions sur une poignée de responsables et en limitant les capacités de décision des chercheurs/ses elles et eux-mêmes, cette réforme affaiblit la démocratie scientifique.

    Une véritable recherche publique ne peut être planifiée que par ceux et celles qui la font vivre : les chercheurs/ses, les ingénieur-e-s, les technicien-ne-s, administratifs/ves et l’ensemble des travailleurs/ses du secteur. Or, les « Key Labs » concentrent encore davantage le pouvoir entre les mains d’une élite administrative et politique, coupée des réalités de terrain.

    Pour une autre vision de la recherche publique

    La réforme des Key Labs symbolise la dérive d’un système de recherche publique qui abandonne sa mission d’intérêt général pour se soumettre aux logiques du marché. Face à cette attaque, il est urgent de revendiquer une autre vision de la recherche :

    1. Un financement égalitaire : Chaque laboratoire, quelle que soit sa taille ou sa discipline, doit bénéficier des ressources nécessaires pour mener une recherche de qualité.

    2. La fin des logiques de compétition : Les laboratoires doivent collaborer sur des bases solidaires, sans être mis en concurrence pour des financements ou des labels.

    3. Une gouvernance démocratique : Les décisions concernant les orientations de la recherche doivent être prises collectivement par les travailleurs/ses de la recherche, en lien avec les besoins sociaux et écologiques réels.

    4. Une science pour l’émancipation humaine : La recherche ne doit pas être au service des intérêts privés, mais bien de l’ensemble de la population. Cela implique de prioriser des thématiques comme la transition écologique, la santé publique, ou la lutte contre les inégalités.

    Organiser la résistance contre la réforme des Key Labs

    Il est impératif que les personnels du CNRS se mobilisent contre cette réforme. Mais pas seulement : ce sujet touche en réalité l’ensemble des travailleurs/ses de l’enseignement supérieur et de la recherche (université, et autres organismes de recherche). Cette réforme s’inscrit dans une dynamique bien plus large que la seule politique scientifique du CNRS. Elle en est un symbole. Les syndicats, les collectifs de chercheurs/ses, et l’ensemble des travailleurs/ses de la recherche doivent se regrouper pour exiger son retrait et proposer des alternatives basées sur la coopération, la solidarité et la justice sociale.

    Il est probable que les décideurs des politiques destructrices dans l’ESR augmentent le quota des laboratoires distingués pour faire «avaler la pilule» (c’est un mécanisme courant). Ne tombons pas dans le panneau : peu importe le quota, la logique même de la réforme n’est pas acceptable !

    La lutte contre les « Key Labs » n’est pas seulement une lutte pour la recherche publique : elle s’inscrit dans un combat plus large contre les logiques néolibérales qui détruisent les services publics et fragilisent les droits des travailleurs/ses. Organisons-nous, débattons et mobilisons-nous pour une recherche qui serve l’humanité et non le profit !

    À bas les Key Labs, vive une recherche publique libre, égalitaire et démocratique !

    1Unité de recherche qui dépend de plusieurs tutelles, souvent l’université et le CNRS.

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