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C’est l’histoire d’un film...

Par Kolya Fizmatov (24 avril 2014)
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_Tu la connais celle du vieux catho réac qui marrie ses quatre filles ?
_Non, raconte.
_La première épouse un arabe, la deuxième un juif, la troisième un chinois et la dernière un africain.
_Trop fort ! Et après ?
_Y'a des conflits et des malentendus.
_Et puis ?
_Et puis tout ce petit monde fini par s'accepter et former une famille super unie.
_...
_The end.
_Elle est pourrie, ta blague.

Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu est un mauvais film. Jusqu'à là, rien de grave ni de très exceptionnel. Mais c'est aussi un film hypocrite, et surtout un pur produit de la pensée dominante. Censé dénoncer l'intolérance et prôner l'ouverture aux autres, il se réduit à une impressionnante accumulation de clichés qui évacue in fine la question du racisme.

La famille ivoirienne a le rythme dans la peau. La mère et sa fille dansent la zumba, le père le coupé-décalé. Ils sont toujours souriants, sauf le père mais c'est parce qu'il fait la gueule. A la fin, il nous offre un sourire éclatant. Les Noirs sont sympa.

Le Chinois est très poli et fait tout son possible pour ne mettre personne mal à l'aise. Naturellement, une scène de bagarre vient nous rappeler qu'il pratique les arts martiaux. Les Chinois sont discrets, mais faut pas les chercher.

L'arabe est avocat (haha ! Vous ne l'aviez pas vu venir, hein?). Au tribunal de Bobigny, il défend des petits délinquants noirs et arabes. Il est musulman, bien entendu. C'est à dire qu'il ne mange pas de porc (mais boit du vin et ne se préoccupe pas de la viande halal). Les arabes sont, somme toute, bien intégrés.

Le juif... ah, dur, le juif. On n'est plus au temps de Rabbi Jacob et essayez donc de rigoler avec le conflit israelo-palestinien. D'un autre coté, il faut bien qu'il soit victime de préjugés. Sinon, c'est juste un Français comme les autres, presque un privilégié... Bon, il reste à faire de l'humour autour de la circoncision (un chien qui mange un prépuce, c'est drôle, non?). Les juifs sont comme nous, juste en plus bizarre.

Aucune gêne à étaler les stéréotypes les plus éculés : c'est pour la bonne cause ! Et puis, tant que les Arabes ne sont pas voleurs, les Noirs stupides, les Chinois machiavéliques et les Juifs malhonnêtes, la morale est sauve.

Preuve que le film n'est vraiment pas raciste, les seuls clichés négatifs concernent les Blancs: couple catho coincé, prétendant laid et ennuyeux, curé à l'ouest... Au final, les parents finiront par embrasser la diversité, sa chaleur et sa bonne humeur communicative. La remarque censée émaner d'un voisin persifleur résume en fait parfaitement l'esprit du film : « Voilà la famille Benetton ».

Pas de racisme, que des racistes

Dans un film où tout le monde (et surtout les Français « de souche ») se défendent de l'être, le racisme est le grand absent. Et pour cause : il n'existe tout simplement pas. Il y a bien des racistes, porteurs de préjugés par ignorance. Mais aucun système de domination n'en résulte. Aucun des quatre gendres n'est discriminé dans l'accession à l'emploi ou au logement, aucun n'a affaire à la police, ils ne sont pas sommés de prouver leur loyauté au « modèle républicain ». Le racisme est ici une affaire purement individuelle, curable par psychanalyse (!).

Une fois réduit à cette seule dimension, il se combine à toutes les sauces : celui des Blancs vaut bien celui des Noirs, on trouve des gens obtus partout (on prend même la peine de mentionner que les Algériens n'aiment pas forcément les Marocains ; les Séfarades, les Askhénazes ; ni les Chinois... d'autres Chinois). Égaux dans le ridicule, le père français et le père ivoirien qui rechignent tous les deux aux unions mixtes incarnent cette belle et trompeuse symétrie. Leur récriminations sont d'une même mauvaise foi, donc « la France a pillé l'Afrique » vaut bien « les Noirs sont des feignants ». Évidemment, ils finiront par tomber dans les bras l'un de l'autre, imbibés de calva et avouant une mutuelle admiration pour De Gaulle...

Au final, sans système raciste à abattre, que faut-il aux Français « de la diversité » ? De l'amour, voyons ! Une épouse blanche et une belle-famille accueillante.

Le film a au moins le mérite de montrer, non seulement que le racisme ne se combat pas à coup de bons sentiments, mais justement que la morale politiquement correcte s'acoquine à merveille avec les clichés les plus imbéciles (on notera la présence au générique d'Elie Semoun, une des grandes figures du pseudo anti-racisme officiel). La seule chose à sauver est peut-être une réplique du père ivoirien pour qui cette profusion de mariages mixtes n'évoque pas Benetton mais... « une famille de communistes » !

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