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Retraites. Le stupéfiant trucage signé Delevoye
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.anti-k.org/2019/07/26/retraites-le-stupefiant-trucage-signe-delevoye/
Jean-Paul Delevoye pris en flagrant délit de manipulation. Kenzo Tribouillard/AFP
L’Humanité, 26 juillet 2019
Les comparaisons entre le système actuel et le futur régime à points ont été bidonnées pour avantager ce dernier dans la présentation de la réforme du haut-commissaire.
Cherchez l’erreur : un financement des pensions bloqué à moins de 14 % du PIB pour un nombre de retraités qui augmente plus vite que le nombre d’actifs à l’horizon 2070, mais la promesse que chaque assuré sera gagnant au moment de liquider ses droits par rapport au système actuel… Forcément, quelque chose clochait dans les grands axes, dévoilés le 18 juillet, de la refonte du système préconisée par le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye. Le collectif d’économistes et de personnalités à l’origine du site Internet Reformedesretraites.fr a cherché. Et il a trouvé : les exemples pris dans le dossier de présentation du futur régime universel à points ont été bidonnés, a révélé hier le Parisien-Aujourd’hui en France.
La chose paraît incroyable pour un sujet sur lequel l’exécutif joue son crédit auprès des syndicats et du patronat et, plus largement, dans l’opinion publique. Et pourtant. Au lieu d’appliquer les règles légalement votées, c’est-à-dire de bâtir ses comparaisons avec le futur système sur la base des 43 annuités de cotisation pour une carrière complète exigées dans le système en vigueur pour les générations nées à partir de 1973, comme inscrit dans la loi Touraine votée en 2014 (la dernière à avoir retouché les modalités du droit à la retraite), les équipes du haut-commissaire ont retenu d’autres paramètres. Ainsi, la durée de cotisation pour une retraite à taux plein serait de 44,3 ans pour les personnes nées en 1990, selon les simulations du haut-commissariat à la réforme des retraites. Problème : le Parlement n’a jamais voté le passage à une telle durée de cotisation, qui aurait pour effet de repousser encore l’âge de la retraite à taux plein… ou de baisser le niveau des pensions faute de l’atteindre. Mais ce biais permet d’avantager le nouveau système dans la comparaison.
La confiance dans la loyauté des discussions sort sérieusement abîmée de cet épisode. « Au mieux, c’est une erreur, au pire, une manipulation », a déclaré Philippe Pihet, le spécialiste des retraites chez FO, dans le Parisien. Pour Régis Mezzasalma, conseiller confédéral de la CGT sur les retraites, « cela traduit une certaine malhonnêteté intellectuelle », même si le syndicat soupçonnait une manœuvre. « On se demandait : ‘‘Où sont les perdants ?’’ », confie à l’Humanité le syndicaliste, lequel reconnaît au moins « la vision cohérente du gouvernement, qui n’a jamais caché son but de faire travailler les gens plus longtemps ». C’est en effet le côté le plus étonnant de cette révélation : dans le Parisien, l’entourage de Jean-Paul Delevoye « assume ce choix » (sic) d’avoir manipulé les données. « Il ne s’agit pas de pénaliser le système d’avant (…), nous appliquons sur l’âge du taux plein l’évolution de l’espérance de vie ». En clair : le haut-commissariat a projeté ses désirs dans le système actuel, comme s’il s’agissait d’une décision déjà exposée, débattue et tranchée !
Pour Régis Mezzasalma, cela montre en tout cas que le projet du gouvernement d’allonger dès 2020 la durée de cotisation, qu’il a finalement écarté, n’a pas été abandonné. « On s’attendait à le voir revenir par la fenêtre, expose le syndicaliste. Ils ont dit qu’il y aurait des mesures à prendre pour remettre le système à l’équilibre budgétaire » avant le passage au régime par points, prévu en 2025. Quant à indexer la durée du travail sur l’espérance de vie, « l’application de cette disposition est prévue dans le cadre de la réforme systémique », rappelle le conseiller confédéral de la CGT. Finalement, tout n’était pas truqué dans les exemples choisis par le haut-commissaire.
Sébastien Crépel