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Retraites: quand des fonctionnaires de l’Insee se rebellent
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.challenges.fr/economie/ee_690012
Coup de théâtre à l’Insee. Alors que le vénérable institut révélait ses travaux récapitulatifs sur l’économie mondiale en 2019, un collectif de statisticiens en colère est intervenu pour protester contre la réforme des retraites.
La scène a lieu au troisième étage de la tour de l’Horloge, dans la gare de Lyon, qui remplace pour l’occasion les austères bâtiments de l’Institut de la statistique et des études économiques à Montrouge. Lors de leur habituelle conférence de fin d’année, les économistes du vénérable institut de la statistique et des études économiques ont été quelque peu bousculés par une intervention imprévue. Dans le léger brouhaha qui suivait la fin de la conférence, une voix déterminée s’est élevée: “Bonjour, nous sommes le comité de mobilisation de la direction générale de l’Insee, et nous aimerions vous parler de la réforme des retraites!”. Le téméraire auteur de cette prise de parole est un jeune statisticien qui tient en main une “note de conjoncture” bien inhabituelle.
Intitulé “Analyse retraites, n° spécial Décembre 2019”, ce fascicule aux apparences de publication scientifique se propose de rappeler “quelques chiffres fondamentaux afin que les citoyens s’en saisissent et comprennent l’enjeu d’un refus collectif de la réforme régressive en cours”.
“Les journalistes ont le droit de ne pas entendre ce que vous avez à dire !”, tempête en retour l’un des économistes de la conférence officielle, visiblement mécontent de cette irruption. “Je vous prie de prendre la parole dehors!”. Ce sera donc dans l’espace “petit-déjeuner”, devant les thermos de café et les derniers mini-croissants, que le collectif en colère présentera ses travaux. “D’autres réformes sont possibles pour assainir le déficit du système des réformes des retraites,” explique le jeune homme qui ne donnera que son prénom, Julien.
Appauvrissement des pensions de tous
Ce que le gouvernement prévoit à ce jour, c’est l’appauvrissement des pensions de tous, explique le comité : "En capant à 14% la part du PIB allouée au financement des retraites, alors que la part des retraités dans la population passera de 20% en 2020 à 26% en 2040, le gouvernement prévoit mécaniquement la baisse des pensions de retraites. A moins que le PIB n'explose..."
Et de rappeler que le taux de pauvreté des retraités français est le deuxième plus bas de l’Union européenne, après la Slovaquie. Que le système actuel des retraites n’est pas systémiquement problématique puisque la richesse par habitant progresse depuis les années 1960 malgré la baisse du nombre d’actifs.
Et de faire la nique aux entreprises. “La question du déficit actuel du système des retraites est d’abord une question de ressources. La Cour des comptes rappelle que les allègements généraux des cotisations patronales sont estimées à 52 milliards d’euros en 2019. En comparaison, le déficit des caisses des retraites est de 3,5 milliards d’euros en 2019. Il est loin d’être insurmontable !”
D’autant plus que ce déficit, souligne le statisticien, est avant tout creusé par les coupes dans la masse salariale de la fonction publique. Car la fonction publique cotise beaucoup et même sensiblement plus que le privé. Et qui dit moins de postes dans la fonction publique dit moins de cotisations pour le système de retraites.
Une trentaine de personnes
L’assistance est attentive. Les économistes de l’Insee sont bons joueurs : ils assistent poliment à l’intervention de leurs collègues rebelles.
Le comité de mobilisation de la direction générale de l'Insee, né le premier jour de la grève, compte une petite trentaine de personnes, dont certains sont syndiqués. Autant dire qu’il n’est pas exactement représentatif des salariés de l’institut. Il n’empêche. "Notre valeur ajoutée à nous, ce sont les chiffres”, affirme Julien. “Nous produisons les données officielles, nous étudions celles produites par nos collègues, et nous en sommes fiers." Au point de provoquer un petit incident en interne.