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"Il est temps de mettre un gros stop à une énième réforme des retraites"

retraite

Lien publiée le 28 janvier 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

"Il est temps de mettre un gros stop à une énième réforme des retraites" (marianne.net)

Professeur de philosophie et essayiste, auteur notamment de « La défaite de la majorité » (Atlantiques déchaînés), Harold Bernat explique pourquoi il est important de se mobiliser contre ce qu'il perçoit comme l'achèvement d'un processus de casse sociale commencé il y a 30 ans.

Né après 1970, je n'ai connu que des reculs sur les droits sociaux fondamentaux. Sur les retraites en particulier et la sécurité sociale. Bref rappel sur les retraites, sans entrer dans des détails trop techniques. La tendance générale suffira. 1993, je passe le baccalauréat, réforme Balladur. 40 ans de cotisations, 25 meilleures années au lieu de 10 pour une baisse des pensions estimée à 6 % sur l'ensemble de la population. 1993, Maastricht. 1995, les réformes Juppé. Une victoire sociale en trompe-l’œil. La loi scélérate du 30 décembre 1995 permettra désormais au gouvernement de réformer la sécurité sociale par ordonnances. Non plus la sécurité sociale à proprement parler mais la dette sociale (RDS, Remboursement pour la dette sociale). Un jalon parmi d'autres dans la destruction d'un modèle social conquis de hautes luttes après guerre.

Les mobilisations sont massives, les plus importantes depuis Mai 1968, la mobilisation en retour de la presse bourgeoise et de cette nouvelle éditocratie aux ordres des politiques du capital sera elle aussi maximale. La lutte des classes retrouve une actualité qu'elle n'a jamais perdue. Le millionnaire Bernard-Henri Lévy parle retraites à la télévision pendant que des millions de travailleurs luttent dans la rue.

DESTRUCTION DU MODÈLE SOCIAL

Après sept ans d'étude, de travail sans valeur capitaliste, je deviens professeur à temps plein en septembre 2001 dans l’Éducation nationale. Deux ans après, 2003, forte mobilisation sans conséquences réelles : 41 ans de cotisations pour le privé, 40 ans pour le public dans un contexte où le taux d'emploi des plus de 60 ans est très faible. Il reste encore des professeurs formés à la lutte sociale dans l’Éducation nationale qui comprennent exactement le sens de la trajectoire depuis le traité de Maastricht. De plus en plus marginalisés au milieu d'une institution qui s'effondre sous les coups de butoirs de la démagogie dépolitisée et des pédagogies dites « innovantes ».

Auprès de ces marges politisées, je m'éduque enfin à autre chose qu'à la métaphysique allemande et à la philosophie bourgeoise, constatant le vide croissant de l'engagement autour. Passons sur la réforme des régimes spéciaux en 2008, dans la continuité. Nous voilà en 2010, recul de l'âge du départ à taux plein de 65 à 67 ans, relèvement progressif de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans. 2014, réforme Touraine, gouvernement dit « socialiste », on peut dire aussi de « gauche » pour se faire plaisir, passage à 43 ans de cotisation, 172 trimestres, pour les personnes nées après 1973. Le mariage pour tous, la grande cause sociale du quinquennat Hollande, le même qui a fait Macron ? Quelle farce sordide. La mondialisation, la commission européenne, Maastricht ? Me voilà réac pour Télérama et Libération. Sans importance au regard des enjeux.

Attardons-nous sur l'année 2019, après 2018 et un soulèvement populaire dont nous ne sommes pas sortis, un détour par la logique du capitalisme sanitaire. Après des mois de mobilisation des services d'urgence, la formation de collectifs de travailleurs, Agnès Buzyn lâche des miettes aux personnels soignants sous la forme de primes. Des primes pour capitaliser ou des augmentations de salaire pour cotiser ? Un modèle a été choisi, le premier. Il détruit le recrutement, la formation, le sens du travail et l'accès à une retraite digne. Ce sera donc 100 euros pour les personnels des services d'urgence hors médecins. Une misère. Comme le rappelle Nicolas Da Silva dans La bataille de la sécu, Une histoire du système de santé (Ed. La Fabrique, 2022), la politique de la prime ne satisfait pas. On s'en doute. « Une manifestation nationale a lieu le 16 juin 2019, l'inter-urgence annonce 154 services d'urgence en grève le 2 juillet, 217 le 21 août. » Le plan annoncé de 600 millions dans le « Pacte de refondation des urgences » ainsi qu'une augmentation des salaires de la même somme qui doit être comparé aux impératifs d'économie de l'ONDAM (Objectif nationale de dépense de l'assurance maladie) qui exige, note Vidal, « plus d'un milliard d'euros à l'hôpital. » L'ONDAM a été voulue par le plan Juppé et fera désormais porter les mesures d'austérité sur la santé publique. Un dépouillement qui conduira à la situation sanitaire dramatique de 2020. Donner peu d'un côté, détruire beaucoup de l'autre.

POLITIQUES DU CAPITAL

Le 5 décembre 2019, la grève massive contre la nouvelle réforme des retraites, dites par « points », rencontre la mobilisation hospitalière. La suite est connue, l'annonce d'un 49.3 sur les retraites par Édouard Philippe, le samedi 29 février 2020, lors d'un conseil de défense sanitaire dans un état d'impréparation et de tensions extrêmes sur les services d'urgence. En pleine pénurie de masques, de gel, avec des services d'urgence déjà saturés, le confinement moyenâgeux n'est plus très loin. Des cabinets de conseils, McKinsey qui a fait Macron et qui ne payent pas d'impôts en France, vont prendre la main pour dresser les populations à la servitude volontaire soudainement renommée responsabilité et résilience collective. De peuple, il n'est plus question.

Les multiples réformes des retraites depuis trente ans sont un objectif prioritaire des politiques du capital, le scalp que chaque fondé de pouvoir doit ramener à ses patrons financiers, la garantie de « bonnes pratiques » en matière de vol des conquêtes sociales et de démolition de la souveraineté sur le travail. En juillet 2021, nous sommes encore en plein dans le narratif de la « crise sanitaire » et de la guerre « quoi qu'il en coûte ». Le passe vaccinal de la honte vient fracasser le pacte social et les principes de déontologie médicale les plus élémentaires, des soignants perdent tout. Mais à Bruxelles, la commission européenne continue sa marche en avant et suggère en mai 2021, dans un rapport, de repousser l'âge de départ à la retraite à 67 ans, en France, comme l'a pointé le député européen belge Marc Botenga. 72 ans en Lituanie alors que l'espérance de vie est de 71,5 ans, pour les hommes. Nous y sommes, le travail après la mort. La destruction des acquis sociaux part de cette commission non élue par les citoyens français, la commission européenne. Elle propose aujourd'hui ce qui sera fait demain. Un club contre la République, un aréopage de lobbyistes contre les intérêts nationaux.

Parlons aussi de cette perte irréversible de souveraineté dans nos luttes sociales, à gauche en particulier, celle qui fait de la nation la défense des intérêts des ouvriers et des travailleurs. À condition bien sûr que cette nation ne soit pas celle du libéralisme autoritaire mais de la République sociale. La République sociale n'est pas à proprement parler l’État social. Elle suppose la réappropriation par les travailleurs institués en collectifs de la souveraineté sur le travail. Pas une délégation de technocrates. République, car c'est l'affaire de tous. Res publica.

On pourrait dire la Sociale mais je préfère conserver la République, l'arracher à ses fossoyeurs, à ses traîtres et la ramener à la France. La République est sociale et nationale. La socialisation des institutions publiques est l'affaire de tous. Le peuple lituanien devra faire pareil s'il ne veut pas lui aussi mourir au travail pour des escrocs, des corrompus, qu'il s'agit aujourd'hui de stopper partout. Commençons par la France puisque nous y sommes, montrons l'exemple à l'Europe des peuples. Attaquons l'ensemble de l'édifice, pas simplement le crépi. Mettons-leur un gros stop après 30 ans de reculs. Après, il sera définitivement trop tard.